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Critiques de Dezsö Kosztolányi (68)
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Kornel Esti

Avant de vous parler de ce merveilleux recueil de nouvelles (?), illuminant une forme d'écriture difficile à faire adopter au public francophone, moi le premier — Les successions d'histoires courtes n'étant pas trop du goût des amateurs d'évasions aux longs cours, se sentant carrément trahis lorsque celles-ci n'ont pas de véritables liens pour justifier leur collection en un ouvrage — il faudrait s'étendre sur le curieux destin éditorial de l'oeuvre de Dezsö Kosztolányi en France, enchevêtrement difficile à dépêtrer avec les seules informations qu'internet nous propose. Cette critique comme base d'enquête neutre et désintéressée, capable uniquement d'hypothèses quant à d'éventuels conflits de droits éditoriaux…



Tout ceci, car une préface serait cette fois-ci bienvenue, afin de nous expliquer ce qui distingue cette « unique traduction intégrale de son chef-d'oeuvre en prose, publié ici sous son titre original » des nombreuses autres publications.

Les éditions Cambourakis étant une belle machine graphique et éditoriale, notamment fortes à vendre quantités de papier à des personnes en mal de rationalité, voir frappées du mauvais oeil.

Mais elles ne s'embarrassent pas de nous signaler que ce livre est une ré-édition de celle sortie chez Ibolya Virág dix ans plus tôt. Etonnant de ne pas faire mention à cette grande dame, traductrice et éditrice, pionnière de la diffusion de la littérature hongroise (mais aussi tchèque, slovaque, etc.) en francophonie.

Elle a permis une re-découverte plus fidèle de textes déjà sortis auparavant, frappés de ce réflexe tout français d'adaptation, comme si les originaux n'étaient pas assez bien pour notre sommitude littéraire, cette vocation universaliste n'ayant pas que des bons côtés…

La bonne notice wikipédia de Dezső Kosztolányi permet de s'y retrouver quelque peu (ce que Babelio se refuse à faire, complexité oblige, concaténant même les « doublons ») dans les différentes éditions, et de nous apprendre, par l'intermédiaire de Jean-Yves Masson, ce qui devrait faire office de préface à ce présent ouvrage, dont même le statut, recueil de nouvelles ou roman, reste ambigu :



« Kosztolányi n'a, en tout cas, jamais publié de livre intitulé « Le traducteur cleptomane », ni même écrit la moindre nouvelle portant ce titre !

Le volume paru en traduction française en 1985 (chez Alinéa) est le résultat d'une manipulation éditoriale astucieuse, mais fort contestable, qui consiste à "façonner" un recueil de onze nouvelles dotées de titres appropriés, à partir d'extraits de deux ouvrages de Kosztolányi intitulés respectivement Kornél Esti (en hongrois, où le nom de famille vient en premier et le prénom en second : Esti Kornél) et Les aventures de Kornél Esti. »



Référence faite au recueil ressorti chez Vivianne Hamy, puis au Livre de Poche, « Le traducteur cleptomane », livre le plus populaire sur notre plateforme, dont l'excellente critique par Erik35 permet de clore la partie littéraire de cette enquête, lui qui nous y détaille chaque nouvelle choisie ;

et moi de conclure qu'il faudrait oublier ces versions ravaudées afin de se procurer les originaux, certains des meilleurs « chapitres » y figurant spécialement, comme ces émouvantes et troublantes retrouvailles avec une variation de l'héroïne d' « Alouette ».



Voilà pour une forme bancale de préface, ma critique n'ayant pas grand chose à ajouter à tout ce que j'ai lu sur le net pour la composer, ainsi que les sous-entendus de ce texte.

Si vous n'êtes pas amateur de Sardine Ruisseau, et que l'esthétique papier-kraft ne vous fait pas peur, procurez-vous donc ces deux volumes chez la défricheuse Ibolya Virág, elle qui a fait redécouvrir au monde le chef-d'oeuvre de Sándor Márai « Les Braises », la traduction de 1995 ayant servi de base à de nombreuses autres.



Je m'étendrai probablement davantage sur cette oeuvre fascinante à l'occasion d'une future critique sur le second tome « Les aventures de Kornél Esti », ou d'autres livres de ce génie des lettres européennes, épris de douloureuses vérités et d'humanisme.

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Alouette

« Combien les enfants peuvent souffrir à cause de leurs parents, et les parents à cause de leurs enfants »



Énorme coup de coeur pour cette pépite hongroise écrite en 1923 par Deszö Kosztolànyi…Mais quelle merveille, quelle écriture ciselée et riche, et quelle histoire surprenante ! Je l'ai lu d'une traite tant j'étais transportée à Sarszeg, cette petite ville de province, où se déroule l'action.



C'est l'histoire d'une famille hongroise, en 1899, composée d'un père et d'une mère plus très jeunes, presque sexagénaires, ce qui en Hongrie à cette époque est un âge déjà avancé, et de leur fille Alouette, surnom « qui ne s'était plus détaché d'elle. Elle le portait comme un vêtement d'enfant pour lequel elle était devenue trop grande ». Car Alouette n'est plus une petite fille mais une femme âgée de trente-cinq ans….Une vieille fille. Il faut dire qu'Alouette n'a de joli que son surnom. Oui, Alouette est un laideron qui, de plus, vieillit, se flétrie réduisant d'année en année ses espoirs de mariage. Les parents l'aiment d'un amour tendre mais, encore aujourd'hui, ils leur arrivent de regarder avec étonnement « ce visage à la fois gras et maigre, ce nez charnu, ces larges narines chevalines, ces sourcils d'une austère virilité, ces minuscules yeux vitreux ». Cette malédiction vient entacher leur bonheur, subrepticement, par petites touches délicates, en pensées fulgurantes jamais extériorisées.



« Sous le flot de lumière rose du parasol, dans cet éclairage presque théâtral, la chose apparaissait enfin dans toute sa vérité. Une chenille sous un buisson de roses, a-t-il pensé ».



Nous sommes tout d'abord très surpris par cette petite famille qui vit complètement en vase clos, repliée sur elle-même, ne se séparant jamais, aux rituels immuables rythmant leurs journées : Ménage le matin, repas mitonnés aux petits oignons, crochet pour faire de jolis napperons, puis petite balade dans les rues de traverse où il n'y a personne, la fille toujours positionnée entre son père et sa mère. Là tout est ordre, calme mais sans volupté. La famille Vajkay est une famille sans perspective, qui ne sort jamais et ne rencontre personne, l'essentiel de son temps est consacré aux travaux ménagers de la maison.

On pressent que la laideur de leur fille les a peu à peu détournés de la société, las des moqueries et des regards étranges sans doute, comme certains passages le laissent supposer, tout en retenue. Leur vie percluse d'habitudes dont on ne se détourne jamais, à l'horizon bouché les a rendus gris, vieux avant l'heure, petits. Etriqués. Mais un solide amour semble les unir…Amour qui s'avère même être grandiloquent au point d'en être ridicule. Ainsi le départ d'Alouette pour la campagne à Tarkö où elle est invitée par son oncle pour prendre l'air et se reposer, première séparation d'avec les parents, est-il entouré de gravité et de larmes, comme si Alouette partait pour longtemps alors qu'elle ne part que pour une semaine. Une petite semaine.



« - Que Dieu soit avec toi, ma fille, a dit Akos en rassemblant ses forces, résolument, virilement, pour conclure. Que Dieu soit avec toi, et fais bien attention ma fille.

-Alouette, a crié en mâchonnant son mouchoir la mère qui s'était remise à pleurer, ma petite fille, oh que les jours vont être longs !

C'est alors seulement que Alouette a parlé.

-Mais je reviens vendredi, vendredi prochain, dans une semaine ».



Alouette partie, nous pensons de prime abord que nous allons voir enfin la jeune femme prendre son envol, découvrir ses pérégrinations bucoliques, ses déambulations campagnardes, et pourquoi pas être témoin d'un amour naissant avec un bon campagnard hongrois qui saura voir sa bonté d'âme au-delà de son faciès et de sa silhouette disgracieuse. Mais pas du tout, et c'est là que Deszö Kosztolànyi tape fort : il va se focaliser sur les parents…mais non sur leur impatience, leur douleur, leurs angoisses comme le début du livre peut le laisser penser. Les parents, durant cette semaine sans leur fille, vont faire ce qu'ils n'avaient jamais fait alors, ou du moins depuis très longtemps, à savoir manger au restaurant, passer une soirée au théâtre, prendre le temps, laisser la maison sans la briquer du matin au soir et même, pour le père, passer une nuit de beuverie au fameux banquet des Guépards…oubliant presque leur fille.

C'est truculent de voir la façon dont l'auteur décrit le processus faisant de cette semaine, une semaine à la hue et à la dia, au coeur du tourbillon social de la petite bourgeoisie de Province, milieu social que l'auteur décrit d'ailleurs avec une rigueur, une exactitude, un réalisme formidable…une semaine durant laquelle ils vont reprendre des couleurs, riant, se permettant quelques dépenses, mangeant de nouveaux plats au restaurant, jouant aux jeux, fumant et surtout buvant plus que de raison. Jusqu'au retour de la petite, toujours de sa démarche dandinante.

La vie alors va reprendre son cours, rien ne va changer nous le devinons mais tout aura été révélé jusqu'au plus intime, au plus secret, au plus profond, des révélations qui viennent du coeur, des tripes. le balancier des couleurs, gris/explosion de couleur/gris de nouveau, est superbement employé de façon toute symbolique…Comme si Alouette portait en elle les couleurs du malheur, de son propre malheur, un peu à l'image de son miroir dans sa chambre accroché dans le coin le plus obscur, le coin nord, près de la porte…Cette semaine « extraordinaire » aura introduit une brèche, vite refermée et pourtant quelque chose s'est immiscée dans cette brèche. Une forme de lucidité.



Comme nous l'explique l'intéressante préface du livre, Kosztolanyi avait une soeur laide qui n'a jamais pu se marier, est-ce elle qui l'a inspiré ? de même, s'est-il sans doute inspiré de l'existence provinciale qu'il a connu enfant pour écrire Alouette, oeuvre que lui-même considérera comme son plus grand roman qui, de fait, compte parmi les classiques de la littérature hongroise.



Il faut dire qu'au-delà de cette histoire assez étonnante, à la fois simple et banale et pourtant délicieusement attachante, l'écriture est magnifique, pointilliste, ciselée, du travail d'orfèvre dans lequel les métaphores, les comparaisons, sont amenées avec brio. Les descriptions sont élégantes et précises. Cette écriture se déguste. Pour ma part je voyais des tableaux, parfois bucoliques, parfois urbains et sociaux…ce livre m'a donné l'impression d'un livre d'images précieuses.



« Ils sont sortis. Sur eux s'est abattue, étouffante, une sorte de chaleur dorée. de gracieux petits chats blancs se promenaient sur le gazon émeraude. Près du puits, il y avait un seau plein d'eau avec des verres dedans, et l'eau était toute irisée par les reflets du verre. Un tournesol, tige inclinée, levait son visage amoureux du soleil… »



Oui, j'ai éprouvé un très gros coup de coeur pour ce livre, je remercie @Spleen pour sa convaincante et belle critique grâce à laquelle j'ai découvert ce livre et cet auteur totalement inconnus pour moi ! Encore la magie de Babelio !

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Alouette

Dezsö Kosztolányi , né en 1885 , à Szabadka, ancienne province de l’empire Austro - Hongrois , dans une famille noble d’intellectuels , dont j’avais lu en novembre 2010: « Anna la douce », ( pour moi , un chef d’œuvre) au niveau de l’écriture et plus tard « Le cerf volant d’or » aux Éditions Viviane Hamy ( même impression ) ,présente«  Alouette » , jusque là , absent de ma bibliothèque .



Comment qualifier ce « Classique »de ce maître incontesté de la littérature hongroise, où l’histoire juste, banale , simple, est pourtant extraordinairement séduisante dans la traduction des sentiments de ce vieux couple figé dans ses certitudes—— étude juste, cruelle, pointilliste , riche, , rigoureuse ——de la psychologie des rapports familiaux —— dans la banalité du quotidien .



« Alouette , gentille alouette , je te plumerai » ...



Alouette , fille unique de ce couple , à presque 36 ans est un laideron, ayant dépassé largement l’âge de se marier, dont personne , jamais personne n’a voulu...

Nul n’ose évoquer son plumage disgracieux .



Aucun homme n’en veut .



Condamnée au célibat, Alouette , invitée par son oncle part une semaine à la campagne .

Ses vieux parents, petits bourgeois provinciaux , figés dans leur étroit microcosme sont d’abord désemparés.

C’est un coup de poignard magique dans leurs habitudes. Dans leur vie de reclus.

Ils recommencent à vivre, oublient leur enfer... leur vie étriquée , sans perspective ...

Le couple s’organise: ils se rendent au théâtre, au restaurant, cette fameuse semaine où la mère jouera à nouveau du piano, , celle où le père retrouvera son club, le jeu et les beuveries ..

Puis le père passe la dernière nuit à hurler sa peine et sa pitié pour sa fille si laide , malgré tout leur amour le malheur de ces vieux parents vient de la prise de conscience d’une évidence .

«  Leur fille est laide, elle est laide et rien d’autre, déjà vieillie , la pauvre, aussi laide que ça , dit- il presque voluptueusement «  Il fait une grimace affreuse, tordant sa bouche, son nez, aussi laide que moi.. »

Et tout rentre dans l’ordre , celui du malheur, dans ce trou de province.

Alouette revient grossie,..plus grotesque...

«  A tire - d’aile notre petit oiseau nous est revenu . »



Tout est juste , déchirant, dans les détails, la valise amoureusement achevée par les vieux parents qui résume les vains espoirs d’évasion, la souffrance et le mensonge , la laideur mascarade , la vie étriquée de ces trois personnes que des rituels ancestraux aident à lutter contre la solitude, l’angoisse et le désespoir , désert de l’immuable...

Avec un faux air de Flaubert et un réalisme tendre , un petit bijou de roman où tout est délicieux , de l’écriture magnifique à la lenteur pour qui aime prendre son temps à la lecture ....



Une pépite simple et profonde où attachement, ambiguïté , ressentiment , amour et haine sont intimement mêlés .

Alouette ou la vie manquée ?

J’aime beaucoup la littérature hongroise et les éditions Viviane Hamy . ...
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Le traducteur cleptomane et autres histoires

11 nouvelles de différentes longueurs. J'en ai aimé le côté humour noir, les histoires en quelque sorte inversées ou décalées. Elles nous montrent souvent l'absurdité de nos codes de la société. Comment, par la traduction d'un roman, devenir voleur ? Comment dilapider de l'argent qu'on ne veut pas ? Comment faire croire qu'on comprend une langue étrangère ? Comment grossir la clientèle de son magasin ? Comment faire pour que les autres s'aperçoivent de votre présence ? Comment dormir tranquille ? Comment rire sur du tragique ? Comment dormir en réunion et se faire apprécier ? Comment faire le deuil de son chapeau ? Comment un médecin soigne sans ausculter ? Réponses en lisant les aventures de Kornél Esti. Merci à Erik35 et Bookycooky qui, par leurs critiques, m'ont fait découvrir un singulier auteur.
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Alouette

"Kosztolanyi avait une soeur laide et qui n'a jamais pu se marier. Cette donnée est-elle suffisante ?

a-t-elle même été nécessaire ? Ce qu'on peut dire de toute façon, c'est qu'en 1923, sur le fond de cette existence provinciale qu'il a connue enfant, Kosztolanyi va écrire -Alouette-, oeuvre qu'il considérera comme son plus grand roman ....

Avec sa fille, laide en effet, et qui vieillit sans trouver en effet de mari, un vieux couple, dans la ville provinciale de Sarszeg, mène une existence banale, étriquée et sans perspective." (préface. p.11)



Un ouvrage lu il y a fort longtemps, qui est parmi mes préférés de cet auteur hongrois; un texte bouleversant, qui analyse tout en finesse les rapports bien complexes, ambigus entre les parents et les enfants....avec la douleur supplémentaire d'un couple ayant une fille unique adorée,

mais affligée d'un physique des plus ingrats, qui les mettent eux-mêmes mal à l'aise, et tiraillés dans leur affection !!



"Combien les enfants peuvent souffrir à cause de leurs parents, et leurs parents à cause de leurs enfants. "(p.124)



Une relecture serait sûrement bienvenue !
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Le Cerf-volant d'or

Une relecture attentive d'un roman d'un écrivain hongrois, parmi mes préférés, avec Magda Szabo...

Texte présent dans mes rayonnages depuis 1996, acquis au 16e Salon du Livre, Porte de Versailles !!..

Un roman complexe , mêlant des univers contradictoires, l'insolite et

l'Ordinaire: celui de la Science et de l'enseignement des mathématiques, de la chimie, de la Raison, de l'affectif , des émotions, mais aussi du surnaturel... avec , en prime, ...des séances de spiritisme et de tables tournantes...des dialogues entre les vivants et les morts !





" Lui, le cerf-volant l'excitait. Avant tout le nom, qui évoquait en lui l'idée

d'une bête à cornes, monstre volant,être mystérieux au souffle vénéneux,

porteur de mort. Des lambeaux de mythologie lui tourbillonnaient

dans la tête. (....)

Ajoutons à cela qu'avant la découverte du ballon, c'est avec un cerf-volant que l'on mesurait la vitesse du vent, la température de la couche supérieure de l'atmosphère...Le cerf-volant est un divertissement fort instructif. (...)

-Vous voyez ? conclut Novak. Le jeu, c'est sérieux. Il symbolise toujours la vie." (p. 22-23)



Ce cerf-volant d'or, élément symboliquement fort de ce roman met en scène un professeur de mathématiques et de physique, passionné par la pédagogie et ses élèves, a par contre, fort à faire avec sa fille, Hilda, qu'il élève seul, sa jeune épouse étant décédée !

Hilda est rebelle, insaisissable, solitaire, tour à tour sauvage et enjôleuse...leurs rapports sont complexes, et en dents de scie...permanents



Un roman qui entrecroise de nombreuses thématiques dont la complexité des rapports humains, et d'autant, ceux , entre les adultes et les adolescents...la transmission, les éternels malentendus et cruautés entre les individus...jeunes ou vieux !

Un style foisonnant... avec un large éventail de tons et de couleurs, dont beaucoup de poésie, ombres et lumières , dont celle de l'amour pour la nature, qui apaise parfois les chagrins humains!

"Les buissons parlaient un langage humain, les arbres réfléchissaient avec des cerveaux humains, des coeurs humains battaient jusque dans les pierres. En tous lieux palpitait l'être humain portant ses désirs jusque dans la nature. "(p. 15)



Comme dans beaucoup de textes de cet écrivain... les existences paraissent banales, ordinaires, et le drame , la tragédie apparaissent, augmentent sournoisement, explosent...Il en est de même dans ce roman, où ce professeur de mathématiques, Antal, passionné par la matière qu'il enseigne, a quelques soucis avec un de ses élèves, Vili, complètement réfractaire, et hermétique, tant aux mathématiques qu'à la chimie... Le professeur s'exaspère, insiste pour transmettre "son savoir", mais l'effet est contraire. Vili se bloque, prend en grippe son professeur... et la tension, l'hostilité vont aller crescendo... bien après l'épreuve du bachot, et de la fin

de sa scolarité... Ils vivent dans le même village et se croisent

quotidiennement !!

Un premier drame surviendra...un début d'apaisement... mais l'événement grave évoqué continuera à miner les deux parties: la victime et le

bourreau !!-- Je n'en dévoilerai pas plus !!



De l'insouciance de ce beau cerf-volant qui inaugure ce roman...les doutes, les déceptions, tensions s'accumulent dans la vie privée comme professionnelle de notre professeur, Antal, pourtant habité des meilleures intentions, d'une solide conscience morale, ainsi que d'une belle idée positive de l'enseignement... l'insouciance de la jeunesse fait place à sa cruauté, soit par indifférence , incompréhension...ou bêtise !



Roman complexe aux multiples facettes, questionnant les comportements humains dignes du meilleur comme du pire... tout cela dans des univers des plus ordinaires ! ... tout est abordé par Kosztolanyi: l'idéal de certains, leur bienveillance naturelle, comme la bêtise et le manque d'élévation intellectuelle d'autres..Cette banalité du mal, universelle, appartenant à tous les temps !!

j'achève ce billet avec difficulté, car il n'est pas aisé de rendre compte de ce texte polymorphe !...



Je le termine donc, par d'autres mots que les miens..ceux de la post-face de Eva Vingiano de Pina Martins, plus "parlants" :" Comme il est beau ce cerf-volant du premier mai, annonce du printemps, porte-parole de l'insouciance des lycéens, avec sa longue queue tressée scintillant

au soleil de toute sa dorure !... Mais il n'est pas porteur du même message pour tous : pour le professeur de sciences naturelles, par exemple, il illustre la vérité de la science, ce cerf-volant qui a révélé le principe de l'électricité. Et puis, il est inquiétant, avec le mystère étymologique du mot : monstre volant, en français "cerf qui vole" comme par enchantement, carrément dragon en hongrois mû par une force mythique, inconnu...

Emblème et titre de ce livre, il est présent à chaque page comme une enluminure dans la marge d'un livre médiéval. " (p. 371)



Lecture de qualité avec ce texte très fort , bouleversant...à découvrir, mais de préférence, en période de solide moral !!...



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***Mes autres chroniques de lectures de cet écrivain



https://www.babelio.com/livres/Kosztolnyi-Alouette/93567/critiques/2044163





https://www.babelio.com/livres/Kosztolnyi-Drame-au-vestiaire/1139024/critiques/1885983



https://www.babelio.com/livres/Kosztolnyi-Cinema-muet-avec-battements-de-coeur/456157/critiques/441874

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Alouette

Quel plaisir de retrouver la littérature hongroise du début de XXème siècle , les descriptions imagées des lieux, des personnages et des objets ainsi que l'art de faire d'histoires simples de grands romans .



Alouette est le surnom donné à la fille unique d'un couple vieillissant .A 35 ans , elle n'est pas mariée car elle est laide et la vie s'est rétrécie sur ce trio qui habite la ville provinciale de Sàrszeg .



La jeune femme est invitée, événement rare, par son oncle à passer une semaine à la campagne et le roman débute au moment des préparatifs des bagages puis du départ en train dans un état de fébrilité pour cette famille non habituée à être séparée, même pour si peu de temps .



Si le lecteur pense ensuite assister aux aventures d'Alouette à la campagne, il se trompe car l'écrivain s'attache aux pas des "vieux parents" qui reviennent , orphelins de leur fille , dans leur maison. Leur prison devrait-on dire , car libérés en fait de ce qui peut s'apparenter à leur geôlier au moins mental , ils re-découvrent des plaisirs qui faisaient leur quotidien avant... Monsieur Akos retourne , malgré une opposition de façade à son cercle et la mère ouvre le couvercle du piano si longtemps fermé et joue. Deszlö Kosztolanyi dans un langage élégant et par petites touches dresse le portrait de parents peu à peu enfermés dans leur fatalisme et qui avouent dans un moment d'ivresse le malheur de leur vie , aveu terrible dont ils ne reparleront plus, acceptant leur sort avec fatalité !



J'ai plus apprécié ce récit qu'Anna la douce , m'immergeant avec délectation dans cette façon d'écrire si descriptive et qui entre facilement en résonance dans les pensées de ses personnages.
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Alouette

Alouette, enfant chérie de ses parents va quitter le nid familial pour passer une semaine chez son oncle Béla et sa tante Etelka. Avec fébrilité le couple s'affaire autour de la valise de leur fille. Et c'est ainsi qu'ils arrivent à la gare en attente du train qui doit emporter leur chère Alouette. Pour la toute première fois depuis ses trente-cinq ans, ils vont devoir affronter l'absence de celle qui n'a jamais quitté sa demeure, n'a jamais fréquenté un homme et au grand dam de ses parents, ne se mariera jamais. Et pour cause : Alouette est d'une laideur sans nom, tant et si bien que tous trois se sont réfugiés dans une solitude, une sorte d'autarcie dans un monde qui leur est propre.

Un dilemme se présente alors. Comment occuper ce temps suspendu qui leur a volé leur fille ?



Mais c'est justement cette absence qui va permettre aux parents d'Alouette de vivre ce dont ils se sont abstenus depuis sa naissance. Entre diners au restaurant, théâtre, bars et soirées enfumées à jouer aux cartes, le père se refait une santé, tandis que la mère se remet au piano délaissé depuis des années. Goûtant chaque jour aux plaisirs qu'ils avaient enterrés, pour peu, ils en oublieraient presque le retour de leur fille.



Et voilà Alouette sur le quai de la gare, une Alouette qu'ils reconnaissent à grand-peine, tant elle a grossi, attifé d'un ciré transparent gonflé par le vent, coiffé d'un chapeau hideux, cadeau de sa tante et flanquée d'une cage pour l'oiseau qu'elle s'est offert. Triste constat pour ses parents de la voir bien plus enlaidie qu'à son départ.



Alouette de DEZSÖ KOSZTOLANYI est un récit fort, de non dits entre un couple que la laideur de leur unique enfant rend extrêmement malheureux, allant même jusqu'à la répulsion, qu'aucun d'eux n'ose se l'avouer. Mais sont-ils les seuls à jouer la comédie du bonheur, sont ils les seuls à ressentir une immense détresse lorsque la nuit venue, les larmes roulent, silencieuses sur l'oreiller d'Alouette ?



Un lecture poignante, cruelle, une véritable tragédie pour ces trois protagonistes, enfermés dans un mensonge permanent, une tartuferie que chacun interprète à sa manière.
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Drame au vestiaire

Un écrivain hongrois que j'affectionne tout particulièrement...

Un pessimiste joyeux , observateur lucide, sombre, mais n'hésitant à formuler des réalités noires avec un esprit facétieux, malicieux et parfois, à la limite du fantastique !

Mes préférences dans ce recueil vont à un très beau texte sur "Anatole

France", "Poète des livres " !..., "La machine à écrire déchaînée", où notre auteur décrit les objets consacrés à l'écriture , de la plume d'oie, en passant par le stylo-plume, le bille et enfin la machine à écrire, endiablée...Inutile de demander ce que l'écrivain préfère ?!!...



Une autre nouvelle très bouleversante , "Cygne", sur la mort du chien de l'écrivain...ses considérations très sensibles sur les rapports entre les hommes et les bêtes ...!



Une empathie communicative envers les délaissés, les solitaires, les "décalés", les originaux...ceux qui ne se sentent pas ou ne

parviennent pas à être reliés à la société...



Il y a des textes d'une incroyable actualité, comme "La politique de l'autruche", où notre narrateur (auteur ?) est tourmenté de rencontrer autant de chômeurs dans les rues, de SDF, sans activité...



"Spectacle pitoyable que celui de tous ces chômeurs !

Je suis entouré de personnes qualifiées, qui pourtant traînent toute la journée, désoeuvrées, et dorment à la belle étoile, sur un banc. Aucune entreprise ne veut les embaucher. Jour après jour, ces malheureux cumulent des certificats d'inutilité : ils sont comme de trop sur cette terre. Difficile, alors, de supporter une telle situation." (p. 167)



Son médecin lui recommande de partir quelques jours se changer les idées... et cesser de se tracasser du chômage...



Ce qu'il tente de faire en partant dans une station balnéaire... mais manque de chance...

il fait à nouveau moult rencontres de personnes, occupant des postes subalternes, alors qu'il possèdent des formations et compétences supérieures...Rien ne servit à notre narrateur...

S'enfouir la tête dans le sable, adopter la politique de l'autruche...fut sans le moindre effet !!

Je transcris la "chute" pour montrer le côté loufoque relié souvent à la gravité ...chez cet écrivain....



"-Veuillez vous rassurer, répondit-il. C'est une panne tout à fait anodine. Je vais réparer le moteur sans délai.

- Vous vous y connaissez donc ?

-Bien sûr, avec votre permission. J'ai mon diplôme d'ingénieur mécanicien, avec votre permission.

La nuit, j'eus un cauchemar. Je rêvai que Rubens repeignait ma chambre et que des rois ciraient mes chaussures.

Le matin, je pris le train et rentrai chez moi" (1930)



Dezsö Kostolanyi... me manque pas de se moquer, de persifler tous les travers de la société, des hommes... du chômage aux publicitaires mensongers en passant par les politiciens véreux...et la solitude infinie des individus ne parvenant pas à se sentir liés à leur société....



Un auteur , romancier et nouvelliste surprenant et captivant, à découvrir ou relire; ce que je fais présentement, avec autant de jubilation !!...
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Alouette

Des années que j’entends parler en bien de ce roman. Je crois être passé à côté à cause de sa lenteur et non attirée par cette vie banale. Alouette est la fille unique d’un couple. 35 ans qu’ils vivent ensemble sans interruption. Sa laideur a repoussé tout prétendant. Enfin, elle s’absente une semaine chez sa tante. Une semaine qui sera comme une libération pour le couple qui adore pourtant leur progéniture. À eux la belle vie : restaus, théâtre et autre. Analyse d’une vie figée dotée d’une belle écriture. Écrit dans les années 1920.
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Le traducteur cleptomane et autres histoires

KORNEL ESTI OU L'ANARCHISTE DÉLICAT



Petit chef d'oeuvre d'humour noir et lumineux tout à la fois, Dezsö Kosztolànyi donne la pleine mesure de son talent dans ces onze nouvelles où il met en scène sont quasi alter ego, un certain Kornel Esti. Personnage tendrement anarchiste, décalé, portant un regard sévère mais sans aménité sur le monde qui l'entoure et sur la société de la Budapest des années 30, ce double pas tout à fait exact - plus justement rêvé, idéalisé de lui-même - nous entraîne dans de petites scénettes en tout point parfaites tant elles sont rythmées, élégantes, crédibles jusque dans le plus incroyable, désespérées, sans doute, mais avec juste ce qu'il faut de distance, de raffinement, d'ironie pour ne pas sombrer dans un humour plus sombre, plus violemment cynique. Sans trop se tromper, on trouvera sans doute une certaine communauté d'esprit avec l'auteur tchèque un peu plus proche de nous dans le temps, Milan Kundera. On songera aussi, pour l'humour, à un Marcel Aymé et autre Alphonse Allais. Et bien que contemporain de Franz Kafka, l'originalité de Dezsö Kosztolànyi le place plutôt du côté de la poésie du monde, même parfaitement absurde et insensé, que de l'épouvante moderne dressée et exprimée par l'immense auteur de La Métamorphose.



Anarchiste, le double de cet écrivain, poète, essayiste, traducteur, chroniqueur (etc !) des années de l'entre deux guerres, reconnu à sa juste valeur aussi bien dans son pays, la Hongrie, que par un Thomas Mann qui préfacera même l'un de ses ouvrages, il l'est assurément. Mais d'un anarchisme sans programme, sans violence inutile, sans ire ni revendication. Son message, s'il y en a un, est bien plus subtil, qui offre à notre regard la perversion du monde, les ambiguïté de nos sociétés, les malheurs que nous savons si bien provoquer nous-mêmes. Une bien belle leçon et des instants de pure grâce dont on redemanderait bien encore plus d'une page !



Ci-après, un très bref résumé des onze nouvelles constituant ce recueil publié une première fois en 1994 aux éditions Viviane Hamy. Pour être parfaitement précis, cet ouvrage est une sélection parmi toutes les nouvelles dans lesquelles on peut retrouver ce fameux Kornel Esti. L'ensemble représente en réalité deux ouvrages plus longs : "Kornel Esti" et "Les Aventures de Kornel Esti".



► Le traducteur cleptomane : En compagnie d'amis, Kornel Esti évoque le souvenir de poètes et d'auteurs disparus. La discussion dérive sur le destin étrange et tragique du traducteur et ancien ami Gallus dont le drame -ainsi que le sournois vice - était d'être cleptomane. Finissant par se faire attraper, il est condamné à deux ans de prison. Son ami Kornel se démène pour lui retrouver du travail et fini par lui obtenir la traduction d'un polar sans intérêt et peu payé mais toujours mieux que rien. Hélas, notre homme est à ce point sous l'empire de son vice que sa traduction en pâti à chaque lignes. Ainsi disparaissent, du texte original vers la traduction, des dizaines de bijoux, des milliers de livres-sterling, des valises, des montres-gousset, jusqu'aux fenêtres et aux cheminées des châteaux décrits... Quand ce ne sont pas les châteaux tout entiers qui s'engouffrent dans les abîmes de cet esprit fin mais dévoyé ! Impossible, dès lors, et malgré la grande finesse du reste de la version, de payer le moindre sous à ce bien étrange traducteur dont notre narrateur finira par perdre totalement la trace.



► L'argent : où, comment se débarrasser discrètement d'une somme de deux millions de Marks dont on a hérité, dont on ne veut pas, parce lorsque l'on se prétend poète, à Budapest, on ne peut raisonnablement pas être argenté. Kornel Esti est absolument définitif sur ce point : «Écoute, un poète riche, chez nous ? C'est une pure absurdité. À Budapest, quiconque aura un tant soit peu d'argent, on se le représentera toujours bête comme une courge.» Mais de comprendre aussi très vite que se débarrasser peu à peu et régulièrement d'une telle somme, sans la dépenser et en ne faisant confiance qu'au seul hasard mais sans jamais se faire repérer, ce n'est, contrairement à ce qu'il semblerait, pas du tout un mince affaire... Et l'on risque même de se faire pincer comme un vulgaire... voleur !



► Le contrôleur bulgare : où Kornel Esti parvient à tenir une conversation avec un contrôleur de train de nuit, tout au long de celle-ci, et sans pourtant connaître plus de deux ou trois mots -dont le "non" et le "oui" - dans cette langue.



► La ville franche : Kornel Esti eût aimer pouvoir habiter une telle ville, où la franchise va si loin que nul mensonge ne peut y séjourner, pas même sous forme de bienséance ni de courtoisie de base ; une ville dans laquelle les commerçant annoncent la couleur sur la mauvaise qualité ou le peu d'intérêts de leurs articles ; une ville où les médecins ne se force même pas à reconnaître leur ignorance face à la maladie ; une ville d'où l'on se fait exclure si l'on remercie trop diligemment par habitude polie...



► La disparition : L'histoire d'un homme, énorme, qui pourtant disparaît mystérieusement et sans explication possible ; que l'on regrette vivement, dont on plaint la triste destinée et les mauvaises affaires... Jusqu'à sa réapparition tout aussi saugrenue, et le rejet par ses anciens amis qui s'ensuit.



► Le pharmacien et lui : où comment un insomniaque tâche de guérir de son trouble en se procurant chez un pharmacien cacochyme un remède contre la toux ainsi qu'un anti-transpirant puissant...



► Misère : l'histoire d'une descente aux enfers d'un poète de plus en plus désargenté, de plus en plus miséreux mais auquel ses proches font de moins en moins attention, sont de moins en moins sensible, au fur et à mesure de sa chute.



► Le manuscrit : être critique littéraire et donner son avis, aussi subtil que complet sur un livre dont on n'a pas ouvert la première page - mais dont on connait l'autrice, d'un ennui fatal - peut s'avérer devenir un exercice des plus jubilatoires et profitables...



► Le président : Il n'est pas donné à tout le monde d'être un model de présidence d'une association culturelle organisant colloques, lectures et autre conférences. Celui que Kornel Esti nous présente-là est doté d'un don exceptionnel : il s'endort à l'instant même où il a achevé la présentation de son invité, parvient à ne jamais sombrer au point de s'étaler sur le bureau devant lui et se réveille invariablement quelques instants avant la fin de l'intervention du causeur. Mais les temps changent, et la jeunesse qui pense toujours tout savoir et mieux faire que ses illustres anciens fait souffler un vent de révolte contre cet homme pourtant débonnaire...



► Le chapeau : C'est le récit du décès, atroce et accidentel, du chapeau melon de Kornel Esti tandis que ce dernier traversait une route. De se souvenir de son couvre-chef comme s'il évoquait une personne connue.



► La dernière lecture : où Kornel Esti raconte les péripéties presque kafkaïennes qu'il vit dans l’hôtel où il est venu faire une lecture de ses textes... Et qui pourrait bien s'avérer la dernière...

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Le traducteur cleptomane et autres histoires

Un cleptomane incurable qui dérobe même des objets dans les textes qu'il traduit, réduisant le nombre de chandeliers dans une pièce, ou le montant que contient un portefeuille ; un heureux héritier qui veut vivre comme avant et qui n'arrive pas à gaspiller son argent ; un critique littéraire qui parvient à donner une analyse complète et brillante d'un livre qu'il n'a pas lu ; un président de conférence qui s'endort après avoir présenté l'interlocuteur du jour, et se réveille juste à temps pour chanter ses louanges.



Chacune des onze nouvelles nous surprend, nous bouscule, nous amuse, nous charme. Cet ouvrage est une petite perle à déguster sans modération !
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Alouette

Alouette, gentille alouette, alouette, je te plumerai…



Nul besoin de plumer cette alouette-là. Plumée par la vie dès la naissance, Alouette est une aimable potiche utilitaire et non décorative. Alouette est un laideron. Un laideron ayant dépassé l'âge de se marier et dont nul prétendant jamais ne voudra. Un vrai laideron dont personne n'avoue la disgrâce physique. Un laideron de presque trente-six printemps.

Alouette, gentille Alouette, Alouette, tu es déjà plumée...



Mais personne n'ose dire la plumaison initiale. Et les vilaines conséquences d'arborer un si moche plumage. Condamnée au célibat, Alouette n'a pas d'autres perspectives que de lisser quelques rémiges anémiques entre ses deux parents aimants jusqu'à la fin de leurs jours.

Il n'y aurait pas de quoi fouetter un chat, plumer une oie ou faire un roman n'était la plume remarquable d'un Dezsö Kosztolányi et son talent de conteur de vie humaine. Si l'existence banale ne virait à la tragédie.



Un évènement va bouleverser l'existence réglée du triste trio affectueux. Alouette est invitée chez un oncle. L'oiseau provisoirement envolé, le nid s'ébouriffe ailleurs. La semaine sans rejeton ingrat ouvre le temps d'une liberté nouvelle: on va au restaurant, au théâtre, on joue du piano, aux cartes, on boit. Mais surtout s'ouvre le moment d'une insoutenable prise de conscience : le malheur des Akos, malgré tout leur amour, c'est Alouette. «Elle est laide, elle est laide et rien d'autre, a dit Akos presque avec volupté, elle est laide et déjà vieillie, la pauvre, aussi laide que ça, il a fait une grimace affreuse en tordant sa bouche et son nez, aussi laide que moi.»

Alouette, gentille Alouette, Alouette tu nous as plumés…



Lorsque l'oiseau revient à tire-d'aile, il a enlaidi dans la graisse nouvelle. Il est aussi plus malheureux.

La parenthèse se ferme. On va s'aimer entre soi. De part et d'autre, on anesthésie la souffrance dans le quotidien étriqué.Tout rentre dans l'ordre parce que l'obsession, même celle du malheur, est confortable. Elle donne une raison d'être.

Watzlawick a rédigé un essai sur la résistance au changement. Bien avant lui, Kosztolanyi a écrit un petit roman cruel et tragique d'une écriture aussi humoristique que meurtrière.



Ce petit oiseau hongrois qui prête à rire et à pleurer a sa place dans la volière où rêvent mes livres, la nuit venue.



Alouette, gentille Alouette, Alouette jamais je ne t'oublierai.
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Le traducteur cleptomane et autres histoires

Quand, au hasard d’une recherche dans une bibliothèque, visage en biais pour lire la tranche des livres, on trouve un petit ouvrage « Le traducteur cleptomane » écrit par un inconnu, on ne peut être qu’intrigué. Quelques lignes au hasard….et de suite cette impression de tenir en main quelques heures de plaisir, quelques heures de découverte..L’envie d’en lire plus

Onze petites nouvelles, onze petits bonheurs, onze petites occasions de sourire de notre monde. Écrites il y a plus de quatre-vingt ans elles restent, malgré tout, toutes intemporelles. Elle sont toutes là pour nous faire sourire de notre monde, des comportements humains, de notre rapport à l’argent. Toutes choses qui ne varient pas avec le temps.



Qui n’a pas connu, un jour ou l’autre, un président de conférence ou de séance qui somnole pendant la conférence et arrive à faire l’éloge du conférencier. Et si les commerçants affichaient « Vêtements chers et de mauvaise qualité. Prière de marchander car on vous gruge »....Comment détruire un texte quand on est à la fois traducteur et cleptomane incorrigible ?

Déjantées, fantasques ou fantastiques, ces nouvelles pince-sans-rire, repoussant parfois les limites de l’absurde rappellent souvent l’humour d’Alphonse Allais, de Philippe Geluk, de Coluche, de Marcel Aymé…Pardon pour ces apparentements

Peut-être la découverte de l’humour hongrois

« Les Francais filent «à l’anglaise» et les Anglais «à la française». Il existe toutefois une autre sorte de disparition, et, sans pour autant flatter à l’excès, partialité qui se comprendrait, notre vanité nationale, nous pouvons dire qu’elle est, cette sorte là, notre spécialité. Si quelqu’un qui n’a pas d’emploi, pas de travail, qui en a plus qu’assez de ne pas manger à sa faim, quitte sa famille, et les plaisirs qu’elle représente, et si du haut d’un pont, cinq ou six kilos de pierres dans les poches, il se jette tout droit dans la Danube, ou s’il plonge du cinquième étage, la tête la première, sur les dalles de la cour intérieure, alors il disparaît celui-là, «à la hongroise». »(P. 65)

Quelques heures de sourire assuré et de philosophie aussi
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Anna la douce

Dezső kosztolányi, né en 1885 et mort en 1936 est un écrivain hongrois, également poète, journaliste, critique littéraire, essayiste et traducteur.



Je viens de le découvrir et constate une fois de plus à quel point la littérature du Centre-Est de l'Europe est méconnue, (du moins de moi).



C'est avec un enthousiasme débordant que je qualifie "Anna la douce" de chef-d'oeuvre.



Ce roman relate la pathétique histoire d'Anna, une jeune bonne dont on suit l'existence en creux à travers celle d'une famille bourgeoise et se termine par le récit d'une chronique judiciaire qui n'est pas sans rappeler celles de Dostoïevski, avec leur sévérité, leurs préjugés, mais aussi leur humanité et leur bienveillance.



Un seul vrai juste dans toute cette affaire ; tous les autres personnages sont gens bien ordinaires que l'auteur met en scène avec vérité et indulgence dans leur comportement individuel et social ; on y a une vue de ce qu'a pu être l'année 1919 en Hongrie après le fuite de Bela Kun, chef du Parti Communiste.



Cette oeuvre a été publiée en 1926 (pour mémoire, la pièce de théâtre "Les bonnes" de Jean Genet à été représentée pour la première fois en 1947).



J'attends avec impatience que les congés de la médiathèque de Toulouse se terminent : j'irai y piocher aussitôt les autres romans disponibles de Dezső kosztolányi.

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Anna la douce

L'écueil avec ce roman de l' écrivain hongrois du début du XX ème siècle, Deszö Kostolanyi est de le comparer à celui de Magda Szabo : La Porte , dont le sujet peut paraitre identique puisque chacun traite de relations entre des femmes et leurs bonnes , à Budapest au XXeme siècle .



Mais il faut dépasser cette similitude car les deux histoires sont très différentes dans le fond et la forme .



Dans Anna la douce, c'est la description d'un milieu aisé en 1919 à un moment crucial de l'histoire de Budapest : le départ des communistes avec tout le soulagement que ces gens ont pu ressentir : la fin d'une période où beaucoup de ces hommes avaient perdu leurs fonctions dans les différents ministères , où les appartements avaient du être partagés etc ...c'est le cas du couple Vizy mais le changement politique dans ce milieu n'est qu'un retour à un état antérieur, les hommes retrouvent leurs emplois, les femmes leurs réunions et papotages dont le sujet préféré est celui des bonnes et les autres individus, comme le concierge de l'immeuble des Vizy , leur façon obséquieuse pour ne pas déplaire aux propriétaires . C'est ainsi que Figzor, fait embaucher Anna, une cousine de la campagne , en vantant ses qualités à une Madame Vizy éternelle insatisfaite de ses employées .



Nous en saurons peu quant aux pensées d'Anna, elles ne sont que suggérées mais cela suffit à imaginer son ressentiment : traitée comme un objet que l'on possède, que l'on fait parfois admirer pour susciter la jalousie des autres et dont on décide du sort en fonction de ses propres besoins.



Il n'y a pas de tentative d'explication de l'attitude d'Anna de la part de l'écrivain , quoique ces courts chapitres aux phrases simples qui se contentent en principe de décrire les faits sont en eux-même édifiants . Chaque membre des différentes communautés : patrons ou employés se rallient à leurs intérêts et non à leur conviction et le lecteur est laissé à son propre jugement ; seul le dernier chapitre peut apporter un éclairage singulier sur cette peinture acerbe de la société hongroise dans son ensemble .



J'ai préféré le roman de Magda Szabo qui va beaucoup plus loin dans l'analyse des sentiments , ceci étant facilité par son aspect autobiographique et le face à face de deux personnalités mais qui est, de ce fait, plus distant vis à vis " de la lutte de classe "et de la critique de la société .



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Échec et mat ou le Gambit hongrois

Dans la famille Karinthy, je demande le père, Frigyes. Gagné - il a écrit la nouvelle "César et Abou Kaïr". Dans la famille Karinthy, je demande le fils, Ferenc. Perdu - aucune nouvelle de Ferenc Karinthy dans le recueil de nouvelles Échec et mat ou le Gambit hongrois. Et pas davantage de jeu des 7 familles ici mais, évidemment comme le titre peu original le laisse deviner, le jeu d'échecs.



Au programme, une douzaine de nouvelles dans lesquelles le jeu d'échecs joue un rôle important, dans lesquelles la folie n'est jamais très loin et écrites par des auteurs hongrois - d'où le sous-titre de le Gambit hongrois ; sauf erreur, il n'existe pas un tel gambit mais en revanche la défense hongroise, certes rare, existe et il aurait été plus opportun de l'utiliser dans un ouvrage autour du jeu d'échecs - sur une période de près d'un siècle et demi - la plus récente des nouvelles date de 1989, la plus ancienne de 1855.



La lecture de ces nouvelles est plutôt divertissante - certaines se soldent par un échec et mat, d'autres par des situations pires que celle de l'échec et mat - et permettra de lire des auteurs hongrois peu connus désormais (une courte présentation des auteurs aurait été la bienvenue).



Pour ceux qui ne lisent pas en silence, le tout peut-être lu en écoutant au choix :



- "e2-e4" de Manuel Göttsching

- "A Rook House for Bobby" de I Like Trains sur la folie de Bobby Fischer
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Le traducteur cleptomane et autres histoires

Un plaisir. Un pur bonheur de lecture. Dezsö Kosztolanyi. Humour, fantaisie, poésie. Un style. Une élégance. Imprévisible , terriblement drôle, tendrement efficace, d'une intelligence redoutable. Folie du monde, absurdité des hommes. Insuffisance, abondance, tout est dans l'action. Dans le rêve, dans l'abandon. Rien n'est prétexte, tout est occasion. Ce « Kornel Esti » nous manque déjà. Vite ! le retrouver ! Lire encore, retrouver ce plaisir, sourire « à nous », à la vie, à ce que nous file entre les doigts. Ce temps qui emporte si vite, si loin, nos devenir les plus fous.

Il y a bel et bien des chefs d’œuvre à Budapest. En voilà quelques nouvelles !!!



Astrid Shriqui Garain

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Le traducteur cleptomane et autres histoires

J'ai passé un excellent moment avec Dezsö Kosztolànyi, que je découvrais avec ce livre. En entrant et en fouillant dans les rayonnages de la librairie L'invit à lire (Paris, 10è), je suis tombé sur cet ouvrage dont le titre m'a immédiatement tapez dans l'œil.



Nous suivons les aventures de Kornél Esti, sorte de double littéraire de l'auteur si l'on en croit la postface et qui dans une cinquantaine de nouvelles permit à l'auteur de dire ou de faire ce qu'il ne pouvait pas dans la vraie vie.



C'est parfois loufoque, souvent drôle, touchant, profond. J'ai vraiment découvert un auteur atypique et attachant.



Dans ce recueil de onze nouvelles, comment ne pas être séduit par cette nuit dans un train entre un contrôleur bulgare et Esti ne parlant pas un mot de cette langue vont bavarder presque sans discontinuer.

Que dire de ce traducteur ayant tout perdu du fait de sa cleptomanie. Il ne pouvait pas se contrôler et ne fut pas capable de résister devant des pages à traduire à faire disparaitre chandeliers, argenterie et bijoux de famille.

Et cette visite dans une ville où tout n'était qu'honnêteté : les chausseurs annonçaient "Chaussures à s'abîmer les pieds.", le tailleur "Vêtements chers et de mauvaise qualité." et les restaurateurs "Mets immangeables, boissons imbuvables. C'est meilleur chez vous."



Tout le livre est ainsi fait, à la fois, drôle, subtil et donnant à réfléchir.

J'ai hâte de retrouver cet auteur hongrois.

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Anna la douce

Budapest, 1919



Les Vizy peuvent souffler, les communistes quittent enfin le pouvoir. Ce couple de bourgeois brimé, humilié, contraint à vivre chichement et complètement reclus, revit. Vite vite, réparons la sonnette de la maison, vite vite, changeons de toilette, vite vite, trouvons une bonne.

Et pour trouver la bonne, Madame Vizy va faire des pieds et des mains, mener une lutte acharnée et hystérique.

Pendant que monsieur va de représentation en représentation, à coups de cooptations et de cigares, madame dégote une petite bonne discrète, consciencieuse et entièrement dévouée à la tâche. Une bonne, Anna, qu'on va exténuer, qu'on va salir, qu'on va donner en spectacle. Que le neveu de la famille va malmener, travestir, tuer encore plus.



Le roman est plein d'ironie, tout le monde en prend pour son grade. C'est cruel et sordide. C'est inquiétant aussi.

La chute d'un microcosme délétère et crasseux qui emporte une âme sans voix.



On retrouve les thèmes de la dépossession et du travestissement, comme dans Les Bonnes de Jean Genet. On retrouve la déliquescence des domestiques comme chez Magda Szabo.

C'est triste et poignant, délicieusement ironique. Un bonheur de littérature hongroise.

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