Un livre qui se déguste comme un citron : une histoire lumineuse, intense et rafraîchissante.
Kim Hae-on est belle, jeune et morte. Nous sommes à l’été 2002, la Coupe du Monde de la FIFA touche à sa fin et le corps de Hae-on est découvert dans un parc de Séoul.
La majeure partie du premier chapitre est consacrée à un entretien entre un détective et le principal suspect, Han Man-u. La suite se décompose en huit autres chapitres, donnant voix alternativement à trois femmes ayant vécu ce drame. La première et la plus centrale d’entre elles est Da-on, la sœur cadette de Hae-on.
Le chapitre qui m’a le plus marqué est celui où Da-on et sa mère tentent de faire face à la perte de Hae-on. Leur chagrin est poignant. La mère de Hae-on fait de grands efforts pour changer le nom de sa fille décédée en son nom de naissance, Hye-eun, car elle s’est persuadée que ce drame a pris sa source dans cette erreur de nom. Da-on, quant à elle, subit une chirurgie plastique afin de ressembler davantage à sa superbe sœur décédée. Le chagrin de Da-on est double : elle pleure la perte de Hae-on tout en se demandant si elle aimait réellement cette sœur particulière. Elle décide de tout faire pour trouver le coupable de la mort de sa sœur et la venger.
« Ne réalisant pas qu’il nous fallait remonter la pente d’une façon ou d’une autre, nous sommes longtemps restées allongées face contre terre dans l’obscurité, comme mortes. Aujourd’hui encore, je ne peux pas m’empêcher de penser que cet état de léthargie avait quelques chose de rassurant et confortable. »
« Lemon » n’est pas du tout un polar, attention ! L’intérêt de ce roman est bien ailleurs que dans la découverte de l’assassin de Hae-on. Il se concentre sur les trajectoires de trois femmes ayant connu la victime et la manière dont ce meurtre les consume. « Lemon » doit être lu lentement et attentivement afin d’apprécier les tours de passe-passe de Kwon Yeo-Sun. Elle sème des miettes de pain qui récompensent le lecteur concentré et rendent la lecture particulièrement agréable.
La plume de Kwo Yeo-Sun est nette, concise et hypnotique. Elle explore les thèmes du deuil, de la beauté, de la classe, du privilège et de la justice. Elle présente la beauté comme une arme pouvant se retourner contre nous. « Lemon » permet une exploration de notre obsession du cold case. Da-on est possédée par le meurtre de sa sœur, les autres personnages sont eux aussi titillés par cette affaire, établissant leurs propres suppositions sur les potentiels suspects.
« Certaines vies sont injustement cruelles, et nous continuons à vivre en les ignorant comme de misérables insectes. »
La structure du roman nous fait jongler entre les narrateurs et les années, ce qui désoriente. Cela peut perturber le lecteur et l’embrouiller. Certains récits sont contradictoires, on se pose de multiples questions, on cherche nous aussi la vérité, on doute, on hésite. « Lemon » montre que pour ceux qui restent, il faut survivre au deuil, pour qu’il ne finisse pas par nous écraser.
Je vous conseille ce roman pour la découverte de la littérature coréenne et pour sa façon de parler du deuil. Si vous cherchez un polar, par contre, passez votre chemin, vous serez déçus.
« Ils sont morts, et moi, je vis. Être en vie, il n’y a besoin de rien d’autre. Je suis en vie et je vis jour après jour. »
Je remercie les Éditions 10-18 pour cette lecture.
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