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Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


Diane Foley est la mère du journaliste américain James Foley, enlevé en Syrie en 2013 et exécuté en août 2014 par Daech, dans une mise en scène macabre (la vidéo, diffusée sur internet, de la décapitation du jeune homme, ironiquement affublé d'une combinaison orange semblable à celle des détenus de Guantanamo, avait profondément choqué à l'époque). Cette exécution (et celles d'autres otages par la suite) symbolise les représailles de Daech à l'encontre de l'intervention militaire de la coalition internationale en Irak et en Syrie, dans la foulée des printemps arabes, et emmenée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. le but : créer un sentiment de terreur, obtenir le paiement de rançons, mettre fin à l'ingérence occidentale.

Ce que Diane Foley ignore au moment où son fils est enlevé, c'est que le gouvernement américain n'a aucune intention de négocier avec les terroristes pour sauver ses ressortissants, contrairement à d'autres pays (la France ou l'Espagne, par exemple ; ce qui, soit dit en passant, n'a pas évité à ces Etats d'être frappés par des attentats sur leur propre sol). A l'instar du Royaume-Uni, les USA adoptent une position de principe : on ne discute pas avec les preneurs d'otages. Et même : on menace de poursuites judiciaires les familles qui tenteraient de négocier elles-mêmes. En dernier recours, on tente bien une mission commando de sauvetage, exorbitante en moyens humains et techniques, mais vouée à l'échec vu le manque de connaissances actualisées du terrain.

Quelle est l'alternative, dans ce cas ? C'est là toute l'horreur, tout le gâchis que découvre peu à peu Diane Foley : il ne se passe rien. « En toute franchise, notre gouvernement était en piteux état. Nous n'avions pas d'agence, pas de service chargé d'aider au retour des Américains enlevés à l'étranger. Beaucoup de bavardages, mais peu de réponses. Il y avait le département d'Etat, le FBI, l'armée et douze autres agences de renseignement, mais aucun ne savait vraiment ce que les autres faisaient. On sombrait dans le désordre. En matière de prises d'otages, les Etats-Unis appliquaient théoriquement une politique de non-négociation et de non-concession, mais c'était synonyme de paralysie. Nous soutenions des politiques, pas nos concitoyens ». Avec ce paradoxe cruel que la logistique de la capture, du procès et de l'emprisonnement des bourreaux aux USA (et il ne fait aucun doute que, comme tout Etat de droit, les USA se doivent de leur accorder toutes les garanties d'un procès équitable) a probablement coûté bien plus d'argent public que les potentielles rançons qui auraient ramené les otages vivants. « Pourquoi avons-nous eu droit à une équipe de bras cassés (avec une absence totale de coordination) quand Jim a été capturé, et à une unité d'élite (le meilleur de la justice américaine) après son assassinat ? Telle est la question qui me hante. Pourquoi avoir dépensé autant de temps et d'argent dans les conséquences de sa mort et si peu dans le prolongement de sa vie ? Pourquoi sommes-nous devenus d'une précision chirurgicale seulement après sa décapitation ? Où sont nos priorités ? »

Ce livre, mis en mots avec l'aide de Colum McCann, relate à la fois le parcours, dans les dédales de l'administration et jusqu'à la Maison Blanche, d'une mère combattant pour que son fils soit sauvé puis, après sa mort, pour qu'il ne soit pas oublié, ni les autres otages à travers le monde, et son lobbying pour que les USA développent enfin une « politique des otages » à l'étranger. Mais il y est aussi, évidemment, question de James et de la naissance de sa vocation à aller à la rencontre et à témoigner de la réalité des sans-voix. Diane Foley aborde aussi sa rencontre avec l'un des ravisseurs et le procès d'un autre de ceux-ci. Elle nous fait part de ses questionnements existentiels tout au long de cette épreuve : pardonner, accepter les excuses, se méfier d'une possible manipulation des sentiments, croire à l'amendement sincère, garder la foi face à une telle horreur ?

Hommage à son fils, travail de mémoire, plaidoyer pour un changement de politique et de lois, charge virulente – malgré un profond patriotisme – contre l'incurie de l'administration américaine, ce livre est le témoignage impressionnant d'une femme et d'une mère digne, droite, tenace, courageuse et remplie de compassion, qui n'a eu de cesse de chercher à comprendre et de continuer à avancer en s'accrochant à sa foi et à son humanisme.

En partenariat avec les Editions Belfond via Netgalley.
#AmericanMother #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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