Les réponses… Une réponse, c’est une crevaison sur une route de campagne. Une impasse. Dès que l’on obtient, il n’y a plus d’errance. Plus d’émerveillement. Plus de miracles, plus de sacré. Aucun endroit où on puisse aller. Le sacré, Isaac ne savait pas vraiment où le trouver, mais ce dont il était certain, c’était qu’il ne se trouvait pas dans les réponses.
Les questions, ça, c’était autre chose. Posez-en une, et se déroule sous vos yeux un paysage infini, riche de mille possibilités. Nord, sud, ouest, est : tout un réseau d’inconnues, disposant chacune de ses propres sorties, de ses propres aires de repos, de ses virages. Vous pouvez voyager le long d’une question toute votre vie sans avoir envie de vous arrêter.
Elle était heureuse. Ou plutôt, elle n'était pas malheureuse. Et n'était-ce pas bien suffisant?
La superstition est l'apanage des véritables gens de théâtre.
Au fil des générations, on oublie. Seul le corps se souvient. Le corps, et les fantômes. Flammes dansantes.
Isaac ne manquait jamais de charmer son auditoire. Son élocution était aussi précise, aussi agile qu'un trapéziste ; sa langue dansait, rarement interrompue, sur la corde raide. Quand il parlait, on l'écoutait.
Les contes, on ne les oublie pas ; ils se contorsionnent et se pelotonnent autour du cœur jusqu'à y être tranquillement logés. Ils sont fluides, changeant, ils peuvent s'adapter à toutes les circonstances qu'ils traversent. Ils changent dans la bouche des conteurs et se font au contour des oreilles des auditeurs. Les faits peuvent différer (les lieux, la couleur du manteau d'Untel, les espèces qui fleurissent dans un petit jardin circulaire) mais leur noyau reste le même. Ainsi survivent-ils. S'assimilent-ils. Et avec eux - le souvenir.
Il y a le temps du chagrin et il y a le temps de la colère. Les deux sont nés du deuil. Le chagrin dure plus longtemps.
Il peut, si vous le laissez faire, devenir un compagnon, un chat errant qui ne vous quitte plus. Le temps du chagrin viendra : comme le chat, il a plusieurs vies. La colère, elle ne dure pas. Elle détruit le corps, comme un feu dans la maison, puissante, avide.
Et maintenant, son temps est venu.
Les hommes les plus dangereux, les plus violents, sont ceux qui croient n'avoir aucune peur au monde.
Une meute n'a pas d'oreilles auxquelles on puisse parler, juste une bouche qui hurle.
C'est un peu comme des fantômes, non, les histoires qu'on répète sans cesse et qui ne se taisent pas ?