L'actrice et cinéaste Isild le Besco retrace son parcours dans un livre très personnel : "Dire vrai". de son enfance à ses débuts dans le cinéma français et jusqu'à aujourd'hui, elle montre la nécessité d'écrire pour se reconstruire. À cette occasion, elle est l'invitée de Géraldine Mosna-Savoye.
Visuel de la vignette : Scott Gries / Getty
#cinema #livre #littérature
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Plus on déchiffre le système de prédation, plus on voit comme il est complexe d'y mettre fin, ou de ne pas le perpétuer.
(P. 166)
Encore plus loin dans les souvenirs, ma maîtresse de CP me revient en mémoire. Elle était blonde et portait une raie au milieu. Dans sa classe, j'étais assise au fond. Elle me ter-rifiait. Un jour, comme je n'osais pas demander à aller aux toilettes, j'ai pissé sur ma chaise. Elle s'est approchée et a crié : « Mais c'est quoi, ça?!» Tous les autres élèves se sont retournés vers moi.
Quel besoin d'humilier un enfant? Ces gens sans empathie sont une race à part.
(P. 34)
Je voudrais te donner un soleil entier pour soigner ton âme. Pour réchauffer ce qui semble gelé.
On ne peut donc jamais guérir de cela? Du désamour? Dois-je vivre éternellement avec? Quelle fatalité! Si on n'a pas été aimée tôt, on ne le sera jamais? Quel fardeau...
Je ne serais pas étonnée qu'une autre accepte d'entrer dans son jeu et qu'un film sur l'éloge de la différence d'âge sorte en salles. Il irait jusqu'à écrire que c'est la femme qui tient les rênes du pouvoir. Il serait même prêt à se faire pas-ser pour féministe afin de signifier que rien n'est indélébile.
Benoît s'est octroyé sans scrupule le droit de détruire; il pourrait sans aucun doute s'octroyer celui de réparer.
Les prédateurs n'intègrent jamais la version de leur proie.
(P. 145)
Assez rapidement, Benoit [Jacquot] m'a signifié qu'il était anormal que je ne veuille pas coucher avec lui. Que j'avais le comportement d'une fille violée.
Il se positionnait comme celui qui savait. Peu à peu, il a planté cette idée dans ma tête, et elle est devenue plus présente. Un an plus tard, sur l'insistance de Benoît, j'ai demandé à Maïwenn si elle pensait que je m'étais fait violer par notre père. Ou pas forcément violer, mais quelque chose comme ça. Ma sœur m'a assuré que non.
Je suis sidérée, aujourd'hui, par l'audace de Benoît et par mon aveuglement. Il implantait dans ma tête que mon corps avait été violé, mes limites dépassées, afin de construire sa norme. Il s'infiltrait dans mon espace mental, instaurant en moi un nouvel ordre des choses : le sien.
Enfreindre mes limites à tout instant, sans même que j'en aie conscience, allait de pair avec son projet de faire de moi sa chose.
(P. 79)
À travers ces femmes qu'il salissait, Benoît [Jacquot] nous salissait toutes. Quand il filme les femmes, elles sont belles, oui. Son style sobre les magnifie. Mais il n'y a pas d'histoire d'amour, il n'y a pas de femmes aimées. Il n'y a que des femmes qui aiment ou n'aiment pas baiser, et des hommes qui les baisent.
(P. 82)
Je ne me souviens pas comment notre relation a évolué, mais sa promesse de ne jamais me toucher est tombée aux oubliettes.
Un jour, j'ai retenu ma respiration et j'ai attendu que ça se passe. Ça y est, c'était fait.
Si on me demande combien de fois ça s'est produit, quand, dans quelles circonstances, comment, je ne sais plus.
Je n'y étais pas.
Je ne garde que cette sensation d'être en apnée. Je n'ai jamais ressenti autre chose.
Il n'y a jamais eu de tendresse, de baiser, de mot doux. Le fait que je ne prenais aucun plaisir, que je souffrais, même, ne pouvait lui échapper. Simplement, cela n'entrait pas en considération.
J'étais devenue son obsession.
Me posséder lui suffisait.
(P. 78)
Le scénario de l'homme qui utilise ses enfants pour atteindre la femme qui l'a quitté, je ne le connaissais pas. Je n'en avais même pas entendu parler.
J'étais brave. Mais tellement ignorante.
(P. 135)
Elle aime penser que l'art est la valeur absolue. Son bonheur est que ses enfants soient créatifs. Comme elle. Son audace, ses rêves n'ont pas de limites. Si j'avais connu cette femme sans être sa fille, j'aurais été fascinée, probablement.
Comment ne pas être fière? Elle a offert à ses cinq enfants la certitude que pour atteindre ses rêves, il suffit d'y croire.
(P. 22)