Comme d'autres, Nila s'est avancée dans l'eau jusqu'à la taille. Avec des gestes lents et doux, elle accompagne les coupelles de fleurs qui éclaireront le voyage des âmes dans la nuit de la mort. Elle parle aux disparus dans la langue ancienne des textes sacrés. "Ne vous retournez pas, dit son puissant murmure de femme veuve, ne vous retournez pas pour écouter ceux qui vous pleurent en appelant votre nom. Trouvez la paix pour vous, et laissez la vie s'occuper de vos vivants."
Kô regarde les rondes de l'hélicoptère au-dessus de l'océan. Il ne se souvient pas en avoir vu quand son père a disparu. Il avait pourtant attendu sur la plage du retour pendant sept jours avec sa mère et sa soeur. Au début, les gens restaient avec eux. On leur apportait des fruits, des noix de coco, des galettes de pain. Et puis ils ont veillé seuls, sa soeur et lui, de chaque côté de leur mère. Personne n'avait remué ciel et terre pour le pêcheur perdu en mer...
"Lorsque Théodore parlait, le silence se taisait et quelque chose en moi, quelque chose que je n'avais jamais soupçonné, se mettait à battre, à vivre."
" La peur de vivre est la seule panne que je ne sache pas réparer, ajouta-t-elle. C'est un mécanisme trop complexe."
Avant il y avait aussi un âne qui s’appelait Basile. [...] Il n'a pas fait long feu. Papa a dit qu'il était mort de chagrin. Le potager de légumes ne s'est pas gêné pour faire pareil. [...] Basile et le potager se sont donnés le mot pour ne pas avoir à supporter l'absence de grand-mère. J'aurais pu l'avoir aussi, le mot, j'étais tellement triste, mais je n'ai pas voulu le prendre. Je dois être plus courageux que des petits pois et qu'un âne noir.
Eva était un peu plus petite que les autres mais ce n'était pas pour ça que je ne voyais qu'elle. Je crois que le mot "belle" a été inventé pour elle.
Il arrivait des Etats-Unis et il ressemblait à Jacob dans Twilight. Il avait une tête de copain et de petit copain parfait. Sa façon de s'habiller était parfaite. Son sac était parfait. Sa coiffure était parfaite. Il avait l'air deux fois plus âgé que nous. Je l'ai détesté tout de suite.
La patience des arbres
le temps que prenne la graine,
le temps qu'elle sorte de terre,
le temps que la tige forcisse et devienne tronc,
le temps de faire des branches, puis des feuilles,
le temps de se sentir assez fort, d'apprendre à résister au vent,
le temps d'étudier le mouvement de ceux qui marchent,
de se décider à les suivre pour savoir enfin où ils vont,
le temps de soulever ses racines
et la rouille avait dévoré la grille du parc.
Il n'eut pas besoin de les enjamber.
Depuis que je suis né j'ai déjà eu un bon milliard de fois l'occasion de mourir de honte. Mais jamais ça n'a été aussi féroce que la fois où je suis arrivé au cours de maths un jeudi et que j'ai lu ça sur le tableau : ENZO = ONZE.
Cette année, je rentre en sixième 11, j’ai onze ans, et nous sommes en 2011. Alors il va forcément se passer un truc. Je me demande bien quoi, parce que, globalement, je n’ai pas beaucoup de bol.