« Atacama armé », de silence, de solitude, de touffeur, de mirages, d’espoir.
Pas de pitié pour la salpêtrière ! Ambiance hospitalière en plein désert…
C’est qu’il a mauvaise mine, entre El Nino et El Nina les fleurs n’éclosent pas, et ce textile qui le domine.
Pollué par les résidus de tissu, oh là oui t’y sues, qué calor !
Alors que faire dans cet enfer ? Des vers pour trouver le vert, couleur de l’espérance, au bout de l’errance…
Le titre est sans équivoque, on sent le triangle amoureux. Dommage d’en dire autant dans la version française, en chilien c’est juste « El autodidacta », on n’en sait pas plus que ça.
Hernan Rivera Letelier nous offre ici une fable autobiographique. Il a appris à lire et à écrire après vingt ans, la mine qu’il a connue avant, c’était pas celle du crayon. Il s’est fait dans la douleur, et ce n’était pas un doux leurre. Ses chimères, il les a poursuivies dans l’écriture, à la dure.
« Ce que j'aimais le plus, c'était m'enfoncer dans la solitude âpre et silencieuse des montagnes; je voulais être seul pour parler en toute liberté avec mon duende. Et maintenant, désespéré comme je l'étais, j'aurais voulu en faire autant: m’éloigner dans le désert, loin de la Compagnie, à la recherche du duende de mon enfance, et, assis sur une pierre, lui parler. Mais je ne faisais que m'enfermer pour écrire.
Écrire était peut-être une autre façon de converser avec mon duende ».
Ce n’est pas lui qui parle, c’est son personnage Eleazar, son double de papier. Et le hasard dans tout ça ? Dans les mots, les phrases, la puissance de l’écriture, simple mais alerte, qui nous fait tourner les pages, à la découverte.
Découverte de quoi ? De son duende, son génie créateur, son inspiration, instant de grâce.
De quelle façon ? Il a lu des livres, qui le délivrent.
« La première fois que je suis entré dans la bibliothèque, j'ai été comme étourdi. J'avais du mal à croire ce que je voyais: étagères, tablettes, rayonnages remplis de livres. Des livres grands, petits, minces, épais; des livres à la couverture dure ou souple, avec ou sans dos; des livres avec jaquettes de toutes les couleurs. Des livres, des livres, encore plus de livres. Et pour compléter le tableau, des chaises et des tables pour s'installer dans ce petit silence bleuté, niché dans le grand silence incolore du désert, qui invitait au plaisir inégalable de la lecture ».
C’est un roman choral, trois héros dans l’histoire. Enfin, roman, plutôt conte poétique en prose. Mais pas de Bach, le choral, il est bancal. On le suit en linéaire, à chacun son chapitre. Mais la forme est inégale, pas de contrepoint.
C’est Eleazar qui mène le bal, il se raconte à la première personne du singulier, mais ce qui est singulier, c’est la reine du printemps, qui apporte de la rupture, elle s’adresse à sa sœur, son double, sa jumelle, elle lui écrit des lettres, on apprend assez vite qu’elle est partie, sans sa vie. C’est donc un journal intime, plus qu’une dans la team. Leda est la plus jolie des nanas, présentes dans la pampa. Elle voudrait être la reine, de beauté, pour exister.
Rosario, lui, c’est le taureau. Un jeune puncheur, boxe, boxe, mais quand il a posé les gants, pas très élégant, brut de décoffrage, il n’aura pas de suffrage.
Lui, c’est il, pas je, il ne peut pas se la raconter, il ne sait que frapper. Mais les coups, c’est attirant, il n’est pas un tyran, il les tire toutes, comme il veut, elles sont hypnotisées, les poupées. Sauf une, Leda, qui croise Eleazar, non, pas de hasard, elle travaille là où il a pris pension, elle va monter, l’émotion.
Eleazar, c’est pas un bavard, il est timide, y s’prend des bides. Y a que les livres qui le délivrent, mince, j’l’ai déjà faite celle-là…
« Ma vision de la littérature avait subi un cataclysme monumental : je découvris que le poème n’était pas le seul écrin de la poésie et que celle-ci pouvait parfaitement cohabiter avec la prose (une lapalissade, mais que j’ignorais jusque-là). Et , plus encore, je compris que l’humour pouvait être de la partie et, s’il le fallait, composer une fête orgiaque avec la biographie, l’essai et le théâtre ».
Ils bossent ensemble les deux gars, et ça fait des dégâts. Ils assemblent des lignes de chemin de fer, et parfois ça déraille. Le salpêtre, c’est pas champêtre, où est le bien-être ? Et Leda, parfum de réséda, elle dénote avec ces potes...
Vous d’vinez la suite ? Qui va s’la faire, la brute ou le … Bah non, truand, c’est pas approprié, plutôt vaurien ou crétin, sauf s’il...
J’vais pas tout vous dire, quand même.
C’est la fête du printemps qui va tout décider, trois concours, boxe, poésie et beauté. Vont-ils tous trois triompher ?
Point de sévices fiscaux dans les coups bas, point d’air de disco sur la piste, juste un verre de pisco pour être dans l’ambiance.
Eleazar Luna, c’est son nom, en plein désert. Pourvu que « la vale de la luna » ne se transforme pas en « vale de la muerte » ! Chienne de vie, basta !
Mais pour le savoir, il faut le lire, ce Letelier.
Décidément, les Chiliens sont doués pour les contes.
« Mes camarades d'équipe commencèrent à me regarder étrangement parce que je passais mon temps à compter discrètement sur mes doigts. Ils ne savaient pas que ce que je comptais avec tant de minutie n'était pas les jours qui restaient avant la paie, comme se moquaient certains, mais les onze syllabes exactes de chaque vers ».
Pour terminer, je m’y mets aussi.
Des âmes errantes, en quête de beauté
Trouvent dans ce sanctuaire le silence.
Le désert révèle par son évidence
Où se cache la clé de la vérité.
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