Elvire Emptaz a rencontré et interrogé, pendant une année, 14 femmes détenues ou ex-détenues pour comprendre comment elles vivaient leur vie dehors ou leur prochaine sortie définitive de prison. Cet essai aborde un sujet très rarement évoqué et pourtant essentiel à la non-récidive de ces femmes, qui représentent 3,1% de la population carcérale en France.
Le constat principal est que toutes ces femmes, surtout les longues peines, ont peur de l'extérieur, de quitter un milieu familier, voire protecteur dans un sens car l'immense majorité d'entre elles avaient subi des violences avant leur incarcération. Elles redoutent de ne plus êtres prises en charge dans un quotidien structuré, sans responsabilités ni décisions à prendre. Dehors, elles doivent apprendre à se déconditionner de toutes les contraintes de la prison subies et intériorisées, il leur faut apprivoiser la solitude, devenir des individualités et n'être plus uniquement un numéro d'écrou. Toutes ces femmes restent à jamais marquées par la prison dans leur vie, leurs corps, leur esprit, leurs relations aux autres. Elles sont souvent dépendantes aux anti-dépresseurs qui leur sont prescrits avec facilité en prison pour qu'elles restent calmes et qu'elles puissent dormir.
Les inégalités hommes-femmes perdurent dans la traitement judiciaire des femmes délinquantes ou criminelles : comme il y a très peu de prisons pour femmes, elles sont le plus souvent à des centaines de kilomètres de leurs proches et reçoivent peu de visites, les jugements pour avoir tué son conjoint sont plus durs quand le meurtrier est une meurtrière, elles bénéficient de moins de stages de formation, ceux-ci ouvrant sur des métiers sans perspective, on leur accorde moins de permissions de sortie.
La journaliste les a écoutées sans juger même si un témoignage d'infanticide a violemment heurté sa sensibilité de mère. L'auteure nous donne à voir avec respect, sans voyeurisme ni sensationnalisme, une réalité peu connue. On ressent toute l'empathie d'
Elvire Emptaz pour les femmes qu'elle a rencontrées et elle nous transmet, à travers ces témoignages, le message que chacune d'entre nous peut un jour faire la mauvaise rencontre, prendre la mauvaise décision, ne plus voir d'issue autre que la violence et se retrouver en prison.
Cet essai est passionnant, il m'a fait prendre conscience d'un monde qui m'est totalement inconnu et m'a fait réfléchir sur les parcours de vie que la journaliste nous a présentés. J'en remercie Babelio et les éditions JCLattès.