Le grand feu est un voyage géographique et historique dans la Venise de la fin XVIIème siècle où derrière les murs de la Pieta, une des institutions religieuses qui jalonnent la ville, se joue l'avenir de nombreuses jeunes femmes. Orphelines ou plus rarement « pensionnaires volontaires » leur destin est de devenir des musiciennes accomplies capables de distraire les familles de haut rang de la société vénitienne et des interprètes formées à la direction du grand maitre
Antonio Vivaldi lors de fêtes organisées dans les palais de la cité italienne.
Tous les ingrédients sont donc réunis pour aiguiser mon appétit : le lieu, l'époque, le contexte historique inspiré du réel, et ça démarre plutôt bien avec cette petite Ilaria que sa mère a confiée à l'institution afin qu'elle soit éduquée et promise à un bel avenir plutôt qu'à un destin de marchande d'étoffes…
La plume de Léonor de Recondo est ample et lyrique, ce qui ne nuit pas au plaisir des premiers chapitres où il me vient l'envie de soupirer d'aise devant tant de belles pages à venir…
Et puis assez vite, le soufflé retombe. Car une écriture lyrique qui souffle abondamment sur les braises du grand feu fait espérer un vrai brasier, une intrigue passionnelle, un roman d'amour palpitant, des rebondissements inattendus, des rencontres bouleversantes comme celle de Vivaldi dont on espère quelques interactions, ou encore une once de suspense!
Vous aurez compris qu'il n'en est rien. L'histoire s'étire en chapitres sans reliefs, donnant à voir dans son quotidien monotone et répétitif, une héroïne recluse, jeune et bien naïve, sans grand charisme, bien que très douée pour le violon et l'écriture musicale, qui s'éprend par défaut du frère de sa meilleur amie, compagne bien née au statut privilégié d'« externe » de l'institution. Paolo, l'amoureux transi est lui-même bien terne et peu enclin aux déclarations d'amour. Bien que très épris de la belle Ilaria, il préfère se confronter à la guerre que mène Venise à l'empire byzantin et se faire les dents sur les champs de bataille avant de se déclarer et de convoler… Bien mal lui en prend.
Les deux jeunes gens vont donc passer à côté de leur destin. (Je n'en dirai pas plus afin de ne pas divulgâcher).
Mais quel piètre cheminement. J'en suis restée comme deux ronds de flan!
Vivaldi, quant à lui, apparaît de temps à autre, le plus souvent comme un stakhanoviste de la musique, arriviste surmené, et exploiteur sans vergogne du travail gratuit fourni par les novices qu'il emploie comme interprètes, copistes voire compositrices! Si cela est vrai, il aurait été intéressant de creuser un peu cet aspect du contexte historique plutôt que de le suggérer sans le développer, laissant le lecteur frustré, tant sur le plan de la romance, très succincte, que de l'aspect historique carrément survolé.
Dommage, l'écriture de Léonor de Recondo est belle.