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EAN : 9782290381861
320 pages
J'ai lu (07/02/2024)
3.76/5   86 notes
Résumé :
1940, au nord de la Crète. La communauté juive célèbre Rosh Hashana. Rebecca écoute les commérages sur le futur mariage de Stella. On s’interroge aussi sur la guerre qui a commencé en Europe. Metaxas, le dictateur au pouvoir à Athènes, saura-t-il résister à Mussolini et à son allié, Hitler ? Bientôt, le bateau de Nikos, le Tanaïs, est réquisitionné par l’armée grecque. Malgré la menace, la vie continue…

Jusqu’au matin du 20 mai 1941, lorsque le IIIe R... >Voir plus
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Je regrette que ce roman m'ait déçu. J'aime bien la Crète, où, il y a quelques années, j'ai pendant 3 semaines à bord d'une voiture de location fait un tour mémorable.
Ce qui m'a déplu dans l'ouvrage de Murielle Szac c'est le grand nombre de personnages, ce qui a le double désavantage, pour l'auteure de les approfondir psychologiquement à fond, et pour le lecteur de se sentir obligé de venir en arrière trop souvent pour se souvenir exactement qui est qui dans ce récit.

Dans un ouvrage que j'ai commenté récemment, le 4 avril dernier, avec le même titre dans la langue du pays "Liberté" en l'occurrence "Hôronia", qui est situé en Guinée, l'auteur Philippe Lauga arrive à mieux cerner ses personnages, je trouve.

Ce qui m'a plu, en revanche, dans le roman de l'auteure, c'est sa façon d'évoquer la menace d'une invasion militaire italo-allemande De Grèce et de l'île, après que le président grec, Ioánnis Metaxas (1871-1941), a dit "ochi" ou non aux requêtes de Mussolini.

Il y a dans "Eleftheria" des scènes très émouvantes, comme celle d'un certain Luigi, qui convainc son pote, un lieutenant italien, de ne pas tirer sur un groupe de pauvres bougres, en honneur du premier mai.

Murielle Szac dispose d'un bon style d'écriture et connaît parfaitement son sujet.

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Le titre de ce roman, Eleftheria, est le mot grec qui signifie « Liberté ».
Il y a des livres qui, allez savoir pourquoi ont une couverture qui vous hypnotisé, vous la voyez sans forcément y prêter attention, et l'image est comme imprimée dans votre inconscient. Et bien c'est ce qu'il s'est passé pour ce livre.
Errant au milieu des rayons de ma librairie habituelle qui ne manque pourtant pas de choix, cette couverture me revenait sans cesse à l'esprit...

Pour la pureté de cette photo ?
Pour ce voile rouge porté au vent en surplomb de la Méditerranée ?
Pour cette femme dominant les reliefs escarpés d'une île méditerranéenne ?
Pour ce regard perdu vers l'infini?
Pour ce regard fuyant vers l'horizon ?
Pour ce rouge symbole de passion ou de sang ?
Pour ce bleu symbole de vérité et de sagesse ou d'invitation à l'évasion, au voyage et à la découverte ou l'inverse ?
Pour ces côtes escarpées qui servent de toile de fond à cette scène ?
Et puis il y cette "fameuse" quatrième de couverture :

"1940, au nord de la Crète. La communauté juive célèbre Rosh Hashana. Rebecca écoute les commérages sur le futur mariage de Stella. On s'interroge aussi sur la guerre qui a commencé en Europe. Metaxas, le dictateur au pouvoir à Athènes, saura-t-il résister à Mussolini et à son allié, Hitler ? Bientôt, le bateau de Nikos, le Tanaïs, est réquisitionné par l'armée grecque. Malgré la menace, la vie continue… jusqu'au matin du 20 mai 1941, lorsque le IIIe Reich lance sur la Crète une invasion aéroportée. Faut-il fuir ou rester ? C'est l'heure de savoir si l'on est libre de choisir son destin.

Avec Eleftheria, Murielle Szac nous livre un magnifique roman, choral et solaire, où derrière chaque histoire personnelle se tisse une histoire partagée, celle de femmes et d'hommes ayant vécu en Crète pendant la Seconde Guerre mondiale. Un épisode méconnu de l'Histoire."

La Crète cette île qui allie de somptueux paysages, une mer turquoise et une histoire singulière. Les Ottomans, les Byzantins et les Vénitiens ont laissé leurs empreintes sur l'île. Et cet épisode méconnu,
Tout était là pour un beau moment de lecture : Et ce fut le cas, c'est un roman magnifique.

Tout se déroule entre 3 octobre 1940 et Octobre 1944. Entre les prémices de l'invasion allemandes, l'invasion elle-même, la résistance, la fuite et son cortège de vies brisées, d'horreurs et de malheurs. Mais tel l'olivier, qui pousse en Crète, symbole de longévité et d'espérance, l'olivier est réputé éternel. Ainsi le décrit Hérodote V " L'olivier fut brûlé dans l'incendie du temple par les barbares; mais le lendemain de l'incendie, quand les Athéniens, chargés par le roi d'offrir un sacrifice, montèrent au sanctuaire, ils virent qu'une pousse haute d'une coudée avait jailli du tronc ".

Ce qui est Paradis va devenir Enfer, ce qui est bleu va devenir rouge :

""Vous êtes soucieux, monsieur ?
C'est Dimitra, dévorée de curiosité pour l'inconnu, qui a fini par l'interpeller.
Vous ne l'êtes pas, vous ? Metaxas a dit non à Mussolini. Désormais, c'est la guerre. Vous ne le savez pas ?
Bah si, mais d'ici à ce qu'ils arrivent chez nous !
Ils trouveront à qui parler s'ils débarquent !
On les rejettera à la mer !
D'un coup c'est le brouhaha. La cour du kazani est une ruche.
David laisse dire. Puis, quand le calme est revenu, il ajoute posément que, ailleurs en Europe, c'est pas la joie. Qu'en France, par exemple, les nazis font la loi. Et que les Juifs, comme lui, sont persécutés.
Un silence soudain. Un malaise, comme l'écho d'une menace qui se matérialise.
Mais je ne voudrais pas gâcher la fête, mes amis !
Vous avez déjà beaucoup souffert, monsieur David. J'espère que ça va s'arrêter."

Le ciel bleu va très vite s'obscurcir et assombrir le destin des uns et des autres, ce qui est rouge va très vite devenir noir :

"Mais que se passe-t-il ? Il entend une sorte de bourdonnement, puis cela enfle et se transforme en plaintes. Luigi voit surgir en haut de la côte une procession. Quatre hommes portent un cercueil ouvert. Suivent des femmes vêtues de noir, en pleurs. L'une pousse des cris déchirants, interpelle le défunt, comme si elle cherchait à le rappeler d'entre les morts. Réveille-toi, Nektarios ! Lève-toi ! Viens nous embrasser. Parle-nous ! Ses lamentations sont presque des psalmodies. Luigi se souvient soudain de la première pièce de théâtre de sa vie : Les Suppliantes d'Eschyle. Ces femmes qui se tordaient les mains, et pleuraient en choeur, montraient une douleur si déchirante que le jeune garçon en avait été bouleversé, prêt à sauter sur la scène pour les consoler. Jamais il n'a oublié ces Danaïdes injustement persécutés et son âme sensible ne ressent que compassion devant les larmes d'autrui."

Murielle Szac auteure de plus d'une vingtaine d'ouvrages de jeunesse ou de poésie, elle s'est plongée au coeur de la mythologie grecque avec la série le Feuilleton d'Hermès,de Thésée,d'Ulysse ou d'Artémis. S'il ne fallait retenir qu'un seul fil conducteur de tout son travail, ce serait la transmission. Eleftheria s'inscrit dans cette cohérence, mêlant étroitement engagement et écriture.

L'écriture de l'auteure est comme les mains d'Ariadni dont que je me permets de détourner le passage pour la mettre en valeur
Elles sont là, tout simplement, telles deux petites bêtes chaleureuses et douces, discrètement posées sur un stylo. Elles sont savantes, elles savent non seulement décrire, conter, raconter, mais aussi porter ses personnages, tirer leurs émotions, montrer la nature humaine dans sa sa violence, couper cette violence, la transformer en amour, arracher la vérité aussi crue et terrible soit-elle, mais aussi entretenir ce qu'il y a de plus beau en l'homme, laisser remonter l'humanité,.
Ce qui est l'essentiel aux yeux du lecteur que nous sommes, c'est leur science de la tendresse.
Elles savent émouvoir, émerveiller, consoler, protéger, apaiser. Elles sont de celles qui aident à vivre et éponger le chagrin.

Passer de la beauté dans ce qu'elle a de plus simple, à la peur voire la terreur pour revenir à la tendresse :
"L'église n'est pas bien grande. Peu importe, il n'y a quasiment personne pour accompagner Nikos et Rachel ce jour-là. le pope semble très agité. Il lit les textes saints si vite qu'il ne cesse de buter sur les mots, jetant des regards presque affolés vers la porte. Nikos, imperturbable, fixe l'iconostase en souriant. Rachel ne détache pas le regard des dragons. Deux terrifiants dragons dont les yeux sortent des orbites, rouges, sanguinolents. Saint Georges essaie de les terrasser. Pourquoi le peintre des icônes en a-t-il représenté deux ? Et pourquoi donne-t-il cette curieuse impression que le saint ne parviendra pas à vaincre les monstres ? La jeune femme n'est pas habituée à cette imagerie.
Nikos observe l'icône de la dormition de la Vierge. Beaucoup de monde s'agite autour de la femme morte. À l'arrière-plan, le peintre a représenté les murailles de Chania. Nikos scrute l'oeuvre, éperdument, comme s'il allait voir la Vierge Marie accéder au ciel sous ses yeux. Morte et ressuscitée. Morte et ressuscitée.
Rachel est impressionnée par l'Enfer qui se présente à elle. Une icône du Jugement dernier la menace, elle la pécheresse, de toutes les tortures possibles. Des chaudrons bouillonnants d'où émergent des corps martyrisés, des diables à queue fourchue qui fouettent des femmes nues en pleurs, poignets liés, des hommes aux viscères pendants… L'artiste ne manquait pas d'imagination. Rachel frissonne. Dans sa religion à elle, tout se passe dans la tête. Tu sais que cette église s'appelle Agii Anargiri, elle est dédiée aux saints des pauvres. le murmure de Nikos est doux à son oreille quand il ajoute : Leur protection te va bien… "

Murielle Szac le dit elle-même:
"si mon livre s'appelle Eleftheria, Liberté !, c'est parce qu'il tente de questionner ce qui fonde notre identité, notre humanité et de se demander si nous sommes libres de notre destin. Que fait-on avec ce que l'on a reçu à la naissance et ce que l'on a construit soi-même quand cela entre en conflit avec une époque et la violence de l'Histoire ? Mes personnages, les Juifs d'abord, mais aussi les Crétois, notamment les résistants, se confrontent tous à cette question, qui me taraude depuis toujours. »

Jusqu'au bout de son livre dans les remerciements elle nous délivré des messages : "Et un immense et chaleureux merci à celle qui accompagne la naissance et la vie de ce livre avec la passion qui l'habite : Emmanuelle Collas, une éditrice amoureuse de la Grèce, intimement concernée par l'empreinte des brûlures du passé sur notre présent, veilleuse de la marche du monde, et qui met ses coups de coeur en acte. "

Si j'osais un retour ou un recours à la mythologie ce livre est comme la boîte de Pandore, les maux s'échappent, et y reste l'espoir...
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Eleftheria, Liberté en Grec. Eleftheria est un roman tout en émotion, ce sont des voix de femmes et d'hommes au cours de la seconde guerre mondiale qui luttent conte l'envahisseur de leur île, la Crète.
Qu'est ce que la Liberté ?
Comment peut on parler de Liberté quand tout une communauté est violentée, anéantie ?
Rebecca, jeune femme juive devenue chef de famille, ce sont les questions essentielles qu'elle se pose lors de la fête Rosh Hashana : " Que peut décider de son destin une jeune Crétoise, comme elle, juive et pauvre, alors que les nuages noirs de la guerre se massent au dessus de sa tête ? "
Avec son amie Rena, catholique, aux premiers bombardements, elles ont pourtant l'espoir, l'espoir de partir en Amérique, pays de la Liberté. Elles souhaitent se délivrer des contraintes liées à leur sexe, leur condition, leur origine. Et pourtant un tout autre destin elles vont se choisir. C'est cela aussi être libre, n'est ce pas ?
Un roman phare qui nous éclaire sur ces évènements qui ont fait l'Histoire de la Crète, et je tiens à remercier Murielle Szac et les éditions Emmanuelle Collas pour ce travail de mémoire ici effectué, nous offrant une fiction magnifique.
L'auteur remercie à la fin, entre autre, le poète Lossif Ventura, dernier descendant des Juifs de Crète.
www.etz-hayyimhania.org




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Le titre seul m'aurait attirée : Eleftheria, liberté en Grec, qui résonne particulièrement en Crète quand je pense à Kazantzakis, La Liberté ou la mort.

Avec mes écouteurs dans les oreilles, en forêt, j'ai écouté Murielle Szac sur un podcast de Talmudiques dédié à Rosh Hachana. C'est par une  coutume crétoise de Roch Hachana : Tashlikh que s'ouvre le roman, avec les bougies sur de petits radeaux "Armée de lucioles surgie de la mer". Jolie occasion pour faire la connaissance de Rebecca, de Judith Levi, du rabbin Elias et de la communauté juive de Chania vivant dans l'ancien ghetto vénitien de Evraïki.  Jeunes filles juives, et leurs camarades grecques avides de liberté qui n'acceptent pas la place qui leur est assignée :

"Comment choisir sans entrave sa vie quand tout vous désigne, vous assigne à une place ? Que peut décider de son destin une jeune Crétoise, comme elle, juive et pauvre, alors que les nuages noirs de la guerre se massent au-dessus de sa tête ? La flammèche coule soudain. Rien, pourtant, ne semble troubler la joie, les rires..."

Le roman débute en  octobre 1940, à la veille du Ochi, le Non opposé à Mussolini par Metaxas qui et aussi le début de l'intervention nazie en Crète et qui se terminera en Mai 1944 par l'anéantissement de la communauté juive crétoise. 

Roman choral rassemble de nombreux personnages, le plus souvent très jeunes : jeunes filles juives, ou pas. Jeunes grecs, marins ou villageois attirés par les filles, certains s'engagent dans la résistance et prennent le maquis, d'autres pas collaborent avec l'occupant nazis. Histoire aussi de Petros, le photographe qui documente les massacres, fait des portraits, le témoin. Luigi, italien, des troupes d'occupation qui ne se soumettent pas aux Allemands éprouve plus de sympathie pour les Crétois. On croise même Patrick Leigh Fermor dans son rôle d'espion britannique (je connaissais ce rôle de mon écrivain-voyageur préféré). 

Et la Liberté? Elefthéria. Bien sûr dans la Résistance contre l'occupant, mais aussi la liberté d'aimer en dehors de sa communauté. La liberté de faire de la musique. de très belles évocations d'un Premier Mai fêté malgré l'occupant nazi dans un village rappelant le poème de Yannis Ritsos.

"Yannis Ritsos. L'enseignant traduisait en italien les poèmes qu'il trouvait et les faisait apprendre par coeur à ses élèves. Un jour de mai tu m'as abandonné... Ce cri de la mère d'un jeune ouvrier tué par la police au cours
d'une manifestation du 1er mai à Thessalonique, ce cri déchirant devenu un poème encore plus déchirant... Un
jour de mai je t'ai perdu... Ce texte, Epitaphios, avait bouleversé le jeune étudiant. Sans toi j'ai perdu le feu et la lumière, j'ai tout perdu... Luigi, est-ce donc si loin de toi ?"

Les histoires s'entremêlent. Grecs et juives vont s'aimer, se séduire, se marier ou se quitter et se retrouver  sur le Tanaïs pour la tragédie finale.



Un véritable coup de coeur pour ce roman!
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Eleftheria, je crie ton nom.

Ce besoin farouche de liberté, plus que de l'écrire, les Crétois le crient. Pas seulement, peut-être même pas, par leur voix, mais par tous les pores de leur peau. Par leur manière de se tenir au monde. La marque des peuples insulaires constamment happés par le large et pourtant ancrés avec force.

Quand les nazis posent le pied sur leur île, déjà en prise avec l'armée italienne, comment ne pas voir une condamnation de leur liberté chérie ? Qu'ils soient juifs, communistes, paysans, chacun va devoir lutter. Ou fuir. Laissant derrière eux une vie qui même si elle était rude, était empreinte de liberté.

Murielle Szac connaît cette terre, ce peuple. Et avec une écriture d'une grande simplicité, nous conte une histoire méconnue. Je ne savais rien de la déportation des juifs De Grèce. Des massacres de civils en représailles. Rien ou presque de la Seconde Guerre mondiale dans cette partie du monde. Je ne rêvais pas à un eldorado préservé de la violence des hommes. Mais comme toujours je reste heurtée de cette dérive meurtrière mondialisée. Sous la plume de l'autrice, sans fioritures, elle est d'autant plus à vif.
Les personnages, d'origines et de milieux différents, brossent un portrait presque exhaustif de la population de l'ile. J'aurais aimé qu'ils soient moins nombreux pour m'y attacher plus. Pour ressentir plus avec eux. Et j'avoue avoir mis quelques chapitres à me repérer dans les prénoms.

Cette lecture faite en commun avec @manonlit_et_vadrouilleaussi m'a permis d'ouvrir les yeux sur une situation que j'ignorais. En refermant ce roman, je me dis que ce texte devrait être mis dans les mains de lycéens, pour qu'eux aussi ouvrent leurs yeux sur ce pan de l'histoire. Et que la si belle couverture ne peut qu'être un appel à la lecture.
L'occasion de souligner le travail d'Emmanuelle Collas qui publie des autrices (et des auteurs) dont la voix porte bien au-delà des frontières un cri de liberté.

Eleftheria, eleftheria... je crie ton nom.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Des petites flammes dans la nuit, par centaines, partent à l’assaut des vagues. On dirait une armée de lucioles surgies de la mer. Elles avancent en rangs serrés, bravant le flux et le reflux, pour gagner le large au plus vite. Parfois l’une d’elles disparaît, submergée par l’eau noire. Mais les autres continuent vaille que vaille de s’éloigner du rivage. Sur la grève, un murmure psalmodié par des dizaines de bouches accompagne le périlleux voyage des petites flammes dans la nuit.

Rebecca s’accroupit. Après avoir allumé sa bougie à la flamme d’une bougie voisine, elle la dépose sur un radeau de paille, glisse la frêle embarcation sur l’eau et d’une pichenette l’envoie au loin. Tashlikh ! Cette année les mots du prophète Michée ne franchissent pas ses lèvres. Tu jetteras tous tes péchés dans les profondeurs de la mer. Non, elle ne peut pas. Trop facile de se débarrasser de ses fautes en les noyant. Et puis, les plus grandes fautes ne pèsent pas sur ses épaules à elle. Quant à racheter celles des autres…

(INCIPIT)
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Les Allemands viennent de commencer l’embarquement. Les yeux sont braqués sur ceux qui grimpent sur le navire. C’est un groupe de résistants venus du village de Keramia qui monte en premier. Un grand-père, coiffé de son sariki noir, un père et ses trois fils, un oncle, tous membres de la même famille, attirent les regards. Ils se tiennent droit, la main posée sur l’épaule de l’autre. L’un d’eux se retourne soudain et chante le premier couplet d’une mantinada :
Oh, mon Dieu, je vous en conjure, changez les cieux
Et alignez toutes les étoiles pour dessiner la forme de la Crète.
Aussitôt un autre poursuit :
Un printemps sans mois de mai j’aurais pu l’imaginer
Mais jamais, au grand jamais, que mes amis trahiraient.
Un troisième enchaîne :
Il y en a qui sont pris de vertige en haut de la falaise
Et d’autres qui, au bord du vide, dansent le pentozali.
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Ce n’est pas un métier ça, mon fils ! Tu aurais pu devenir médecin, avocat ou même diplomate. Mais photographe ! Une activité de saltimbanque, de traîne-savate ! Et quelle utilité ? En quoi sers-tu la société ?
[...]
Si, maman, ce que je fais est utile, très utile même. Regarde-les comme ils sont fiers. Ils savent que désormais le souvenir de leurs traits, de leur corps, sera gravé à jamais pour leurs descendants. Ils imaginent déjà ce portrait glissé dans la petite boîte en forme d’autel, juchée sur leur tombe, avec une lampe à huile qui brûle en permanence à côté de l’icône, pour éloigner le mauvais œil. Et puis, dès à présent, cette façon de poser crânement, visage austère et farouche, est une manière de dire au monde en ébullition : nous sommes là, nous sommes prêts, nous ne nous laisserons pas faire.
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mon Dieu, je vous en conjure, changez les cieux Et alignez toutes les étoiles pour dessiner la forme de la Crète. Aussitôt un autre poursuit : Un printemps sans mois de mai j’aurais pu l’imaginer Mais jamais, au grand jamais, que mes amis trahiraient. Un troisième enchaîne : Il y en a qui sont pris de vertige en haut de la falaise Et d’autres qui, au bord du vide, dansent le pentozali.
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Dehors, le ciel vrombit comme une ruche géante. Des centaines d’avions obscurcissent l’horizon. Derrière eux, des planeurs s’avancent, d’où surgissent des centaines de parachutistes.
Mécaniquement, Petros brandit son Rolleiflex pour immortaliser cette image aussi incroyable que terrifiante.
Le ciel est couvert de parachutes blancs.
Au bout de leurs corolles déployées se balancent des hommes surarmés.
L’Allemagne nazie est en train d’envahir la Crète. En un instant, la plaine s’est transformée en champ de bataille.
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Vidéo de Murielle Szac
Murielle Szac est de retour pour un nouveau Feuilleton antique publié chez Bayard ! Cette fois accompagnée d'Olivier Balez aux dessins, elles revient sur les Jeux d'Olympie grecs, et notamment leurs règles et leurs valeurs. Les deux auteurs étaient à Paris chez Babelio début avril pour une soirée de lancement du livre, à découvrir dans notre vidéo événementielle.
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