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sur 334 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Lire une oeuvre antique (comme Aristote, César, Suétone et tant d'autres) a quelque chose d'une exploration. Exploration dans le temps, dans une mentalité, dans des lieux et des moeurs disparus, exploration dans une langue et une façon d'exprimer les pensées qui n'est plus de ce monde.

Mais ce qui fait l'intérêt de telles lectures, le plus souvent, c'est d'en déceler la fraîcheur sous l'écorce flétrie. Quel bonheur quand on arrive encore à en déguster le suc, quand on arrive à se sentir en résonance avec des gens et des époques disparues dont nous sommes pourtant les authentiques héritiers.

J'ai déjà parlé moult fois de l'exercice si particulier d'arriver à se couler soi-même dans le moule de la tragédie antique : C'est déroutant quant à la forme (présence de passages chantés, d'un choeur et d'un coryphée qui joue un rôle de médiation avec le public, un peu à la façon d'un Monsieur Loyal au cirque, mais aussi une structure rigide très codifiée avec prologues, épisodes toujours terminés par des stases et épilogues).

C'est déroutant quant au fond (notamment la portée civique et pédagogique de la tragédie antique qui est à des années lumières de notre conception actuelle du théâtre). Or Médée, qui est pour ainsi dire, l'archétype d'une bonne tragédie grecque, peine à nous fournir encore ce jus délicat, cet indice de survivance d'actualité.

On aurait envie d'y croire, se laisser embarquer dans son désarroi, la pauvre, elle est allée trahir les siens pour les beaux yeux de Jason, le corinthien, et ce goujat, non content de lui avoir fait deux gosses est allé fourrer son nez ailleurs (voire autre chose !), et a succombé aux charmes d'une princesse histoire d'assurer le quotidien pour l'avenir.

Bref, une bonne vieille histoire d'adultère en somme. Si l'on adjoint à cela qu'à l'époque une répudiation pouvait s'accompagner d'une condamnation à l'exil, effectivement, Euripide n'a pas lésiné sur les malheurs de son héroïne. Donc, tout de suite, la Terre s'arrête de tourner pour Médée qui ne voit comme seule et unique solution à son problème (et en toute logique !), que l'assassinat tant de la princesse nouvelle élue du coeur de Jason, que du roi Créon qui a décrété son bannissement, que de ses deux propres enfants (rien que ça !).

C'est là que j'ai un peu de mal avec la tragédie grecque. Au sens propre, c'est très théâtral, trop à mon goût, et deux mille ans de littérature sont passés par là. On peut évidemment s'émerveiller devant une faucille en silex du néolithique, mais dire qu'on n'a rien fait de mieux depuis, c'est peut-être un peu trop, et c'est bien ce que je ressens à la lecture de Médée.

Ce qui ne m'empêche pas de croire que Médée est probablement un des plus grands chef-d'oeuvres de cette époque, mais de là à en reprendre à chaque repas aujourd'hui au XXIè siècle, peut-être pas.

Pour ma part, je considère ce texte comme un patrimoine de l'humanité à conserver, et en ce sens, à lire car c'est notre culture, c'est de là que l'on vient, un peu comme j'aime à voir un vieux lavoir de pierre et de bois sans pour autant vouloir abandonner la machine à laver pour retourner me mettre les mains dans l'eau froide.

Qu'en est-il du message civique d'Euripide ? Pour les hommes, cela pourrait se résumer à : « N'allez pas succomber aux charmes d'un autre lit, dont vous serez déçu tôt ou tard ». Pour les femmes : « Votre condition vous expose toutes à subir l'affront de l'adultère, donc gardez la tête froide et tâchez de rester dignes si pareille mésaventure devait vous arriver ».

Pour Jason, la morale ressemble à s'y méprendre à celle de la Poule Aux Oeufs d'Or de la Fontaine, « on hasarde de perdre en voulant trop gagner ». Mais il y a encore, ce me semble, une dimension supplémentaire car Médée franchit le pas de l'infanticide, le dernier des crimes. le message nous enjoint à considérer l'horreur des excès que peuvent nous amener à commettre la jalousie ou l'orgueil.

Au total, une impression mi-figue, mi-raisin mais j'ajouterais néanmoins qu'il y a dans cette tragédie trois ou quatre très belles répliques (malgré l'injure que constitue une traduction pour ce type d'oeuvre), dignes de figurer dans un recueil de maximes.

Toutes ces considérations, vous le savez maintenant, sont à prendre avec d'infinies précautions, car ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Médée est la fille du roi de Colchide, Eetès et d'Idyie. Elle a surtout des pouvoirs magiques.
Lorsque son regard croise celui de Jason, elle tomba amoureuse de lui et l'aide à conquérir la Toison d'or. Jason lui a en effet promis de l'épouser. Médée n'hésite pas à trahir son père en aidant Jason dans les épreuves pour obtenir la toison mais en plus sacrifie d'une manière odieuse son frère qu'elle a pris en otage pour donner à Jason le temps de s'enfuir.
Y a du lourd déjà. Mais ce n'est pas fini.
Médée commet encore des trucs pas sympas.
Jason lui fait deux gosses.
Puis finalement Jason en guise de remerciements tombe amoureux de la fille de Créon et décide de répudier Médée.
Oui mais, vous croyez que Médée ne va rien dire? Que Médée ne va rien faire?
La haine va la pousser à commettre deux infanticides en plus de se débarrasser de sa rivale.
Jason est une vraie tête à claques on est d'accord mais tout de même. Médée n'y va pas avec le dos de la cuillère.
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Une femme qui tue ses propres enfants pour se venger de leur père qui l'a délaissée. Est-il quelque chose qui paraisse plus inhumain ? Et plus près de la folie ? C'est pourtant ce que choisit Médée. La nourrice le dit dans le prologue les puissants sont “peu faits à obéir, toujours à dominer, ils ont peine à changer le cours de leurs humeurs…”

Qui est donc cette infanticide ? Médée est descendante du soleil, c'est une magicienne, fille de Éétès. Lorsque Jason arrive pour prendre possession de la Toison d'Or, elle en tombe amoureuse et choisit de l'aider à récupérer La Toison. Elle prend donc le partie de Jason contre son propre père et va jusqu'à égorger son frère.
Comment s'étonner alors que cette femme vindicative sacrifie ses enfants qu'elle semble pourtant aimer à son désir de vengeance.

C'est la première pièce grecque que je lis mais l'expérience m'a parue suffisamment plaisante pour que je le réitère. J'ai dû tout de même regarder auparavant quelques vidéos sur la structure de la tragédie antique pour apprécier au mieux un genre différent.

Challenge ABC 2017-2018
Challenge Théâtre 2017-2018
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Avec Euripide, les personnages vulgaires - ordinaires, et non divins ou semi-divins - entrent dans la tragédie grecque. Dans un contexte trouble - Athènes connait un fleurissement intellectuel sans précédents cependant que Sparte la menace fortement dans la guerre du Péloponnèse -, Euripide écrit Médée, fille du roi de Colchide qu'elle trahit au profit de son époux, Jason.
Celui-ci prend pour nouvelle épouse Créuse, fille du roi Créon. Folle de jalousie, Médée met en place une vengeance sanguinaire et terrible en tuant ses propres enfants ainsi que Créuse. La force d'Euripide tient dans la description psychologique des personnages, et notamment de Médée, amoureuse et jalouse, forte et meurtrière. Il y a aussi l'idée que l'on ne fait pas le mal par hasard, et que l'intelligence et la raison ne sont pas soeurs jumelles. La pièce, à l'époque, choqua, notamment pour sa violence mais aussi parce que Euripide proposait une fin nouvelle au mythe.
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L'histoire de Médée, célèbre et particulièrement choquante, a inspiré de nombreux auteurs - et même des cinéastes comme P.-P. Pasolini (qui a tourné un film mémorable, avec Maria Callas comme actrice principale).
Euripide en a fait une pièce (créée en 431 avant J.-C.) conforme au modèle de la tragédie antique. Le lecteur et le spectateur sont confrontés aux particularités d'un tel théâtre, qui fait nécessairement intervenir un choeur (avec le coryphée), et qui se trouve entrecoupé de "stasimons". Ces conventions théâtrales, ainsi que le ton particulier des personnages, ne sont vraiment pas faciles à accepter maintenant.

Médée est une magicienne qui, par amour pour Jason, a trahi son père et tué son frère. Après avoir conquis (grâce à elle) la Toison d'or, Jason l'a abandonnée pour une autre femme. Elle est alors en proie à une colère et à un ressentiment extrêmes. Pour se venger cruellement de Jason, elle ne trouve qu'un seul moyen: tuer les deux enfants qu'ils ont eus en commun et que pourtant elle aime.

Face à Médée, Jason apparait comme un pleutre qui ergote - sans croire lui-même à ce qu'il dit. Par exemple, en voyant arriver Médée qui vient d'assassiner ses enfants, il se demande seulement: « Qu'y a-t-il ? est-ce à moi maintenant qu'elle en a ? ». Quant à elle, c'est une épouse bafouée et surtout violente, mais pas vraiment égarée dans la folie, me semble-t-il. Cette pièce est sans doute un chef d'oeuvre de la tragédie grecque, mais je n'ai pas été véritablement conquis par Euripide.
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Difficile de se glisser dans une époque si lointaine... Il m'a fallu quelques dizaines de pages pour commencer à apprécier. Mais une fois rattrapée par l'histoire, j'ai vraiment apprécié et j'ai trouvé le contenu de ces tragédies (Médée et les Troyennes) finalement très moderne...
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CRÉON: Dis donc toi, avec ton oeil hargneux et ta fureur conjugale, Médée, je t'enjoins de quitter ce pays, dont je te bannis, en emmenant avec toi tes deux enfants, et sans aucun délai !

Et sans aucun délai avec ça, non mais oh ! Une invective de fonctionnaire gradé ? Laissons le doute à charge de la traduction. Je ne parle pas le grec.

Pas de délai, rien, il n'est rien qui soit épargné à Médée l'abstruse, Médée à l'amour fécond, Médée la maniaque, le vouloir direct et inconditionnel, Médée l'amour adolescent en proie à la possession monumentale que Mme Blavatsky rêva d'avoir un jour, Médée investie du corps réapproprié de son frère depuis le pont de l'Argo. Jason crie Médée ! C'est une parade, il dit être en mesure de crier mayday, dans le palais, sous les volutes de marbre et de gypse, il explique calmement qu'en manager conscient et moderne il sait ce qu'il a à perdre mais qu'il ne faut pas s'en faire, il faut garder son calme, la circonstance est trop grosse d'enjeux, il connait sa condition, son statut peut choir, sa couronne peut tomber, même s'il est monté haut, son adresse au métalecteur est claire: je peux me retrouver au chômage comme tous et la réappropriation semi-automatique de mon statut n'est pas garantie; alors il montre une angoisse réelle et ses doigts s'agitent sur le clavier tandis que la caméra latérale capte son regard ahuri. Médée n'est pas dupe. Elle a préparé son char; mais l'ambiance est au mid-tempo pour ronger le frein de la déflagration à venir. J'écoute Patterns in the Ivy de Opeth; le piano est très similaire à la rêverie de John Paul Jones sur No Quarter, Led Zeppelin. Les monologues explicites divulguent le système axiomatique qui régit l'espace des tragédies. Richard II les instrumentalise dans le simulacre de sa chute chez Shakespeare (nous y reviendrons); Euripide est un ancien qui ne sait pas ne pas participer au système qu'il a lui-même créé. Il le découvre aussi… Il sait, en revanche, que le basculement doit venir du dehors. C'est le monstre incommensurable qui parait relativement petit au début. Pas infinitésimale, pas invisible, petit. C'est parce qu'il vient de loin et son détour est grand. Mais le Messager a tôt fait d'arriver pour le délivrer entièrement. le cadeau de Médée était empoisonné. le monstre ! Les monstres ! Comme dira Stupeflip. La chair de la Corinthienne est calcinée; ses convulsions ne seront jamais descriptibles. Les enfants sont sacrifiés. L'ombre de Blavatsky plane à plus de 3500 rétro-années. Elle plane sur le corps vivant de parjure que représente Jason. Médée indexe à l'origine les fautes de Jason pour les rendre éminemment visibles. Pourtant c'est une tragédie sans dieux, ils ont déserté même s'ils savent. Seul le Coryphée scande le développement méta-conscient de la pièce et pose les questions qui situent les avisements des personnages en dehors de la totalité en simulation. La merkava de Médée monte vers le soleil et ce sera le seul signe divin de la disruption venue de la Colchide dans le monde grec. Autant en emportent les vents.
Lien : https://lecorpsmystiqueduliv..
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La tragédie d'Euripide sur Médée raconte une période particulière du mythe de Médée, particulièrement sombre. Médée a fui la Colchide en compagnie de Jason, a qui elle a permis d'acquérir la fameuse toison d'or aux pris d'un meurtre fratricide. La légende raconte ensuite la fuite à travers la Grèce antique, ponctuée de faits sombres et immoraux. Finalement Jason et Médée atterrissent à Corinthe où Jason tombe amoureux de la fille du roi Créon avec qui il va s'unir ; Médée est alors anéantie.

Plus que le récit, qui n'apporte pas grand-chose à l'histoire du mythe, ce sont les échanges entre Médée et Créon, puis entre Médée et Jason qui ont fait la renommée de cette oeuvre. Jason a changé, il est prêt à se « ranger » et à s'établir sur Corinthe alors que Médée ne changera jamais ; la séparation est alors inévitable. Et alors que Jason et Médée semblent s'être tout dit, qu'ils se sont pardonnés leurs folies d'avant, la passion et la folie meurtrière de Médée finit par assombrir encore un peu plus son histoire. Euripide nous offre dans sa pièce un dénouement tragique, où Médée emporte avec elle la vie de sa rivale, celle de Créon et même celle de ses enfants.
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